Cofondatrice de l’association Afrogameuses, Jennifer Lufau lutte pour plus de diversité et d’inclusion dans le secteur du jeu vidéo.
Certains événements peuvent changer un parcours. Pour Jennifer Lufau, cela s'est produit à 7 ans, avec la découverte des jeux vidéo. C’est dans un cybercafé au Bénin, situé entre son école et chez elle, qu’elle se rend après les cours pour jouer à Prince of Persia. « C’est le premier jeu d’aventure auquel j’ai joué avec un gameplay complet. Je connaissais les jeux d’arcades, puisqu’on s’amusait avec ma famille », se souvient-elle. Elle y passe alors une majeure partie de son temps, avec la complicité du propriétaire, qui la laisse profiter devant l’écran : « Je ne pense pas qu’il le sache, mais c’est une personne très chère à mon cœur. Il gardait toujours une place pour moi, il a nourri ma passion pour les jeux vidéo.» Elle arrive en France à l’âge de rentrer au collège et étudie pendant ses années d’études supérieures les langues étrangères appliquées. Puis elle enchaîne avec un master en management de projets internationaux et termine avec un MBA en marketing digital et e-commerce.
Mais pour une passionnée de jeu vidéo, pourquoi ne pas avoir emprunté la voie de la tech ? « J’ai postulé à de nombreuses reprises pour des stages, sans jamais avoir reçu de réponses. J’ai compris que c’était un milieu relativement fermé », confie-t-elle. Alors que l’épidémie de covid bat son plein, Jennifer Lufau est confinée pendant son Erasmus en Allemagne. Elle ressent une frustration de ne pas se sentir représentée, et lance un blog pour parler des femmes noires dans ce milieu. La streameuse se met à la recherche de profils aux quatre coins du monde, afin de multiplier les perspectives. « C’était frappant de voir à quel point nous avons vécu les mêmes expériences. » C’est à cet instant qu’elle décide de transformer son blog en association, et que naît Afrogameuses en 2020.
Combattre les clichés
Elle cofonde aux côtés de sa sœur cette association qui se veut inclusive, avec de la diversité. Ses objectifs : jouer un rôle de représentation, encourager l’insertion professionnelle dans le jeu vidéo, œuvrer contre la toxicité envers les minorités, et sensibiliser les acteurs du jeu vidéo à l’inclusivité. Aujourd’hui, elles sont 600 dans le monde. « Afrogameuses m’a ouvert beaucoup de portes. J’ai pu réaliser des talks et des sujets sur le sexisme avec Ubisoft, dans le but de promouvoir et créer des opportunités pour les personnes noires », dit-elle. À côté de son association, la joueuse est à son propre compte en tant que consultante en marketing et en inclusion dans le jeu vidéo. « Il y a beaucoup de boîtes qui s’intéressent et se rendent compte du chemin à faire. Il faut refléter la réalité. De nombreux gamers contribuent à faire évoluer le secteur. » Peu de jeux mettent en avant des personnages principaux noirs, non hypersexualisés ou ne sont pas dans les clichés. Et quand c’est le cas, c’est source de débat : « je pense au personnage de Frey dans Forspoken. C’est une héroïne de Brooklyn qui a été critiquée comme "ghetto", et il y a eu une déferlante de haine contre elle. » De temps en temps, Jennifer Lufau streame sur Twitch sous le pseudonyme de @invinciblejane. L’association est en train de redéfinir sa structure pour revoir les priorités, et parallèlement organise Gamechangers, un événement à Paris porté sur les valeurs de l’association.