Lassés des présentations formatées sur Power Point, les clients aspirent désormais à plus de rencontres et d’échanges avec les agences qui repensent leurs manières d’aborder les réunions. Un changement encourageant et positif.
Le travail en agence est rythmé depuis longtemps par un balai bien orchestré et bien connu. Le client adresse un brief et l’agence y répond, le plus souvent dans le cadre de consultations hélas non rémunérées malgré les efforts de la profession. Ce jeu de questions-réponses bien huilé a provoqué au fil des années une standardisation des recommandations tant en termes de supports que de contenus.
Pour le support, la V40 de Power Point règne en maitre avec vidéo et effets intégrés à toutes les slides. Et pour ce qui est des contenus, ils sont toujours les mêmes et s’articulent quasi-systématiquement autour de trois défis (à relever), quatre pièges (à éviter) et cinq convictions (chevillées au corps 22 de la typo…). Le tout fait de toute recommandation un tour de force surhumain que chaque agence se propose bien sûr de relever avec brio.
Le balai est bien rôdé et pourtant, depuis quelques temps, on observe une évolution de ces rites immuables et usés. Tentons quelques explications. Le covid d’abord. Comme nous l’écrivons avec Gilles Deléris dans Ecce Dico, Design-Communication, Dictionnaire amoureux et illustré de la vie en agences, le sans-contact « ne nous a pas tuer », mais les confinements et l’avalanche quotidienne de Zoom et Teams a généré après-covid une overdose des présentations sur écran, les participants éprouvant en présentiel, une soif légitime de se saluer, de se voir, et de se parler sans écran.
La large diffusion de la Fresque du climat a également fait l’effet d’un électrochoc. Sur le fond bien sûr, témoignant de la prise de conscience des enjeux climatiques au sein de nos organisations et des responsabilités qui leur incombent, mais aussi sur la forme, en montrant que sur un sujet aussi difficile, il était possible d’animer quatre heures de réunions sans Power Point, avec pour seul support quelques cartes à jouer, bien documentées.
Enfin, la place importante prise par les notions d’usage a conduit à s’interroger sur l’expérience vécue entre l’agence et les clients. Lassés des présentations formatées (cinquante à quatre-vingts slides minimum), regards fixés sur « l’écran noir de mes nuits blanches » (Nougaro), ces derniers aspirent désormais à débrancher le Click Share, pour retrouver un regard, un sourire, une connivence et ainsi échanger, dialoguer au-delà de la portion congrue finale réservée à cet effet.
Moins de monologue, plus d’écoute
Ces changements à bas bruit sont encourageants et changent tout. Les clients invitent de plus en plus à une rencontre, un échange, dont ils souhaitent être parties prenantes et ont de moins en moins envie d’assister, passifs, à des « numéros de claquettes » d’un autre âge. Les agences, elles, se défont petit à petit de leurs addictions et repensent leurs manières d’aborder les réunions. Moins de théâtre, plus de conversation, moins de monologue, plus d’écoute, moins de prêt-à-porter, plus de sur-mesure, moins de surplomb, plus de côte à côte.
La rupture avec le mode de travail séquentiel, au bénéfice d’une organisation circulaire en mode projet hybride, empêche l’empilage de chapitres hétérogènes et le tunnel de slides. Les ateliers de Design Expérience participent aussi de cette évolution positive. Lorsque clients et agences vivent, debout et en mouvement, des séances d’idéation, de prototypage, ou de retour d’expérience au sein desquels une large place est laissée à l’écoute, à l’intuition, et au rebond, il leur est quasi-impossible de revenir à des réunions statiques, rythmées par le seul défilé de slides imposés.
Clients et agences redécouvrent donc l’art de la conversation et s’entrainent. Comment développer l’écoute active ? Comment manifester son adhésion ? Comment marquer sa différence sans agressivité ? Comment résister à la pression ? Comment développer son argumentation de façon synthétique ? Participer à une réunion devient alors un art qui place l’écoute, l’interaction et le regard au cœur, et remet le support visuel à la place qu’il n’aurait jamais dû quitter, dans la boite à outil.