Trump a su mobiliser ses électeurs sur des thèmes fédérateurs : le pouvoir d’achat, l’immigration, la défiance anti-élites. Pour faire la différence, il a choisi d’être encore plus radical qu'en 2016. 

On a tout dit ou presque de la victoire puissante de Donald Trump. Emportant à la fois largement le vote des grands électeurs, moins largement le vote populaire, faisant basculer le Sénat du côté du Parti républicain et lui permettant de conserver la majorité à la Chambre des représentants, son triomphe déjoue les pronostics d’un scrutin serré et ne souffre aucune contestation. De surcroit, il efface les évènements du Capitole qui avaient fait vaciller la démocratie outre-Atlantique. 

Parmi les grands enseignements de cette campagne, trois sont particulièrement saillants et pourraient inspirer de futures batailles électorales en France ou ailleurs. D’abord le primat de l’économie et l’impact délétère de l’inflation dans le quotidien des classes moyennes et des milieux populaires. « It’s the economy stupid » : Une fois de plus la formule de James Carville, le conseiller de Clinton, en 1992, démontre sa robustesse et son intemporalité. 

Ensuite, les limites des stratégies de segmentation. Plutôt que de se concentrer sur la mobilisation de son camp, l’Amérique blanche et rurale qui l’avait porté au pouvoir en 2016 et où il progresse encore, le milliardaire a choisi de parler « à tout le monde » des thèmes majeurs qui les concernaient au-delà de leur différences ethniques, religieuses ou de classes sociales. En faisant du pouvoir d’achat, de l’immigration, de la défiance anti-élites, des thèmes fédérateurs, la campagne a notamment permis de faire basculer une bonne partie du vote hispanique pour Trump et de faire reculer le vote pro-démocrate d’autres minorités. 

Dernier enseignement : le vote anti-système reste un puissant levier de mobilisation. Et si le rapport bien différent qu’entretiennent les Américains face à l’argent n’en font pas un élément constituant de ce scrutin, si on a du mal chez nous à imaginer comment un milliardaire peut capter le vote populaire, le vote anti-État fédéral et le bulletin de vote anti-élites infligent sur la ligne de départ un handicap certain aux partis de gouvernement partout dans le monde. 

Ni concession, ni inflexion

Mais un point reste à analyser dans ce succès : L’art du come-back. Au-delà même du résultat, les retours victorieux sont rares en politique, le positionnement de celui-ci restera dans les annales de la communication politique. Parce que pour être réélu, Trump n’a pas choisi la formule classique, et souvent éculé, du « j’ai changé », pas plus qu’il n’a pratiqué le mea culpa. Ni concession, ni inflexion. Non, il a fait le contraire. Encore plus « décomplexé » qu’en 2016, il a donné libre cours à sa personnalité sans filtre et sans modération. Sur le fond, il a été plus radical encore que lors de sa première campagne que ce soit sur l’immigration, le protectionnisme ou sa volonté de s’attaquer à l’État fédéral, relayé avec fougue par Elon Musk.  

Le candidat républicain a donc fait le choix audacieux du « come-back » sans changer, sans se renier, qu’il s’agisse de ses propos sexistes, de son attitude face au covid, ou de l’assaut de ses partisans sur la colline du Capitole de janvier 2021. C’est ce choix tactique qui est profondément marquant, profondément différenciant. 

En France, les tentatives de retour d’un président ayant quitté le pouvoir ont été marquées par l’échec. Même reparti de la base en se faisant élire conseiller général, puis député, Giscard n’a jamais réussi à effacer son échec de 81. Malgré l’attachement des militants et les succès littéraires, Sarkozy a été sévèrement rejeté par le peuple de droite en 2016. On assiste aujourd’hui avec un œil mi-amusé, mi-interrogatif, l’espoir du nouveau député de Corrèze François Hollande d’incarner en 2027 la social-démocratie. Mais la stratégie victorieuse de Trump peut sans doute inspirer un autre président. En 2032, Emmanuel Macron aura 55 ans. 

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