L’Afrique a tout pour devenir le continent de l’entrepreneuriat, des marques et de la créativité. Les start-up continuent de s'y développer, notamment dans l’e-commerce, les telco et la fintech.

Quand les esclaves se cachaient pour répéter dans les plantations de coton les hymnes de l’office du dimanche, ils chantaient « le cri ». C’est ainsi qu’on appelait ce qui n’était pas encore le blues, la musique des âmes déchirées. Femmes, enfants, jeunes hommes, fers au pied, sans nom, matriculés, n’avaient que leur voix pour crier. Avec pour seuls instruments tolérés, quelques bidons d’essence cabossés, les steel drums. 

Pendant près de cinq siècles (du 15e au 19e), l’Europe et les États-Unis ont bâti leur développement, notre développement, sur un commerce de la honte. Au point que beaucoup de pays réclament aujourd’hui réparation. Une addition de 18 000 milliards de livres n’a-t-elle pas été présentée au récent sommet du Commonwealth? L’Occident regarde ses chaussures, conscient d’avoir capturé pendant des siècles les forces vives d’un continent mis à genoux, nu pied. Alors quand René Dumont avait crié en 1962 « l’Afrique est mal partie », il avait raison, mais il avait tort de désespérer. Car malgré ce passé tragique et douloureux, l’Afrique a tout pour devenir le continent de l’entrepreneuriat, des marques et de la créativité. 

Les Afro-Américains avaient ouvert la voie (la voix) en inventant le jazz, en apprenant à jouer des instruments laissés par les troupes françaises après la vente de la Louisiane, en se mêlant dans les ghettos aux musiques du monde (tsiganes, klezmer), en y inventant, faute de place, la batterie, synthèse de sept percussions, de la cymbale aux toms, de la grosse caisse à la charley… Aujourd’hui, les majors viennent chercher l’inspiration dans l’afrobeat, le marabi, la rumba congolaise, l’afropop,le ndombolo, le raï, le tarab, le mbalax, le  soukous, le reggae, le kuduro… 

Le continent de la diversité

Continent aux mille rythmes et au mille langues, l’Afrique est le continent de la diversité. Quoi de commun entre l’Afrique du Nord, l’Afrique centrale, sub-saharienne, l’Afrique du Sud, l’Afrique de l’Est ? Sinon la jeunesse de la population (41% ont moins de 15 ans) et le manque : manque de moyens, manque d’infrastructure, manque d’énergie, manque de matières grises. Un manque de tout qui contraste avec des richesses en matières premières considérables aux revenus hélas souvent confisqués par le népotisme et la corruption. 

Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que les premières marques du continent couvrent des besoins primaires : alimentation avec Patisen et la Nouvelle Minoterie Africaine ; les raffineries et cimenteries avec Dangote, l’énergie avec Eskom, les télécommunications avec NTN… Et si le vent de start-up nation souffle dans des pays comme le Ghana, le Rwanda, le Kenya, le Nigéria, l’Afrique du Sud qui ont fait le pari du développement de la connaissance en investissant sur la technologie, en incitant leur diaspora formée à grand frais dans les universités occidentales, à revenir au pays, il a été fragilisé par le covid et le manque chronique de capitaux. 

Cela dit, les start-up continuent de se développer notamment dans l’e-commerce, les telco et la fintech. Citons entre autres : Jumia, Flutterwave ou Paystack. Aussi, de plus en plus de marques internationales installent en Afrique des laboratoires d’innovation pour échapper à l’inertie, aux fractures de fatigues, au blues, occidental cette fois. 

Grâce à ces mouvements, les choses évoluent. Le nouveau directeur de Sciences Po, Luis Vassy, fils de réfugié uruguayen, entend « nouer des partenariats avec le Sud global démocratique » et « amener un autre regard et d’autres pratiques qu’occidentales » et le récent sommet des Brics vient d’accueillir en son sein quatre nouveaux membres dont deux pays d’Afrique : l’Éthiopie et l’Égypte. 

On le voit, en Afrique on prend le temps qu’il faut et rien n’est carré. Mais n’oublions jamais que le jazz est ternaire. C’est la base du groove. Les marques d’Afrique viennent de loin, elles viennent du blues, elles viennent du cri. 

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