La Cop16, qui devait déterminer comment États et entreprises allaient contrer la perte de la biodiversité, a laissé une impression très mitigée. Aujourd'hui, certains conseils d'administration ont décidé d'intégrer un représentant de la Nature, mais ces exemples sont encore trop rares.
Avez-vous déjà entendu parler de l’effet pare-brise ? Si vous avez connu les longs voyages en voiture avec l’obligation de nettoyer les insectes écrasés sur le pare-brise et que vous observez la différence saisissante avec aujourd’hui, alors, comme moi, vous avez vécu l’effet pare-brise. Décrit par des chercheurs en 2017, il est une illustration incontestable du déclin de la biodiversité, que j’oppose depuis des années aux sceptiques.
Car oui, nous sommes en train de vivre la sixième extinction de masse. 68% des populations de vertébrés (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles et amphibiens) ont disparu en moins de cinquante ans (Rapport Planète vivante du WWF ; Biological Conservation ; IPBES.). Un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques). Quant à nos chers insectes qui pollinisent 75% de nos cultures nourricières, leur population a chuté de 41% au cours de ces dix dernières années (Sánchez-Bayo & Wyckhuys ; Biological Conservation).
Ces préoccupations étaient notamment au cœur des discussions de la Cop16 sur la biodiversité qui a réuni plus de 190 pays à Cali en Colombie. Une Cop très attendue après celle, historique, de Montréal qui avait établi un cadre pour contrer la perte de la biodiversité mondiale. Cette année, la priorité était de déterminer comment les États, mais aussi les entreprises, allaient concrétiser les objectifs fixés en 2022.
Car ici, on ne parle pas seulement d’environnement, on parle aussi d’économie. En effet aujourd’hui, plus de la moitié du PIB mondial dépend de la Nature. Près de 3 millions d'entreprises européennes sont menacées par la dégradation de la biodiversité. En France, 10% de l’emploi salarié dépend directement de la biodiversité et 80% si on prend aussi en compte la dépendance indirecte !
Nous avons donc tous intérêt à préserver et restaurer la Nature. Pour les entreprises, cela signifie comprendre leurs dépendances à la biodiversité mais aussi l’impact qu’elles exercent dessus. Pour y arriver, il y a la voie de la contrainte avec par exemple la fameuse CSRD, mais il y a aussi et surtout, celle de l’opportunité. D’après le World Economic Forum, des actions favorables à la nature pourraient créer 395 millions d’emplois, soit environ 10 milliards de dollars de valeur économique (Rapport « The Future of Nature and Business » du WEF de 2020). Cela nécessite des investissements financiers mais également d’intégrer la Nature au cœur de la stratégie des organisations et donc d’adapter leur gouvernance.
Un quota pour la Nature dans les conseils d’administration
Aujourd’hui, certaines entreprises montrent l’exemple en nommant au sein de leur conseil d’administration un représentant de la Nature, à l’image de Faith in Nature au Royaume Uni. Cela permet de lui donner un droit de vote sur les décisions d’entreprise. Mais ces exemples sont encore trop rares.
Intégrer dans les CA des « gardiens de la Nature » (clin d’œil à une des rares mesures adoptées à la Cop16…), c’est reconnaître qu’une expertise indispensable est aujourd’hui souvent absente dans les directions d’entreprises. Finalement, ne serait-ce pas une manière d’anticiper les risques de perte de biodiversité pour l’entreprise et d’assurer ainsi sa survie ?
Cela pourrait même devenir une loi ! Une loi similaire à la loi Copé-Zimmermann sur les quotas de femmes dans les instances dirigeantes : en apportant un regard différent, elles favorisent une bonne gestion économique et financière. Le représentant de la Nature jouerait ainsi également ce rôle.
Et la Cop16 dans tout ça me direz-vous ? Malheureusement très mitigée. Bien que certaines mesures aient été votées, les discussions sur les plus attendues, à savoir le financement et le suivi de la feuille de route, ont été suspendues… faute de « combattants » ! De nombreux délégués ont en effet quitté la session pour ne pas rater leur avion après une nuit de plénière, rendant impossible tout vote avec le quorum nécessaire. Face à l’urgence, le message est clair : courage rentrons !