Haute-couture
La stratégie de la maison de couture questionne sur la qualité de l’expérience client sur internet. Luxe et e-commerce sont-ils compatibles ? Les avis divergent.

« Il faut pouvoir toucher les créations, les essayer, cela fait partie de l'expérience. » Avant la Fashion Week de Paris en septembre dernier, Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel, confirmait par ces mots, sur France Inter, que les collections présentées lors du défilé ne seraient pas disponibles en ligne, mais seulement dans les boutiques. La maison s'inscrit ainsi à contre-courant des autres marques qui investissent massivement dans l'e-commerce. Le dirigeant évoquait « l’émotion », « l’âme d’une maison » qui ne pourraient s’exprimer que dans un magasin physique. Il reconnaissait aussi que, d’un point de vue économique, la marque ne prenait pas un grand risque.

Huit à dix boutiques ouvertes par an

« Un site e-commerce représente, en gros, l'activité d'une boutique. Aujourd'hui, nous ouvrons huit à dix boutiques par an, un peu partout dans le monde », a précisé Bruno Pavlovsky. La marque a fait de la relation humaine un facteur de différenciation, recrutant 3 000 nouveaux assistants de vente en 2018. « Chanel ne renonce pas à grand-chose, une grande part de son chiffre d’affaires vient des parfums et cosmétiques pour lesquels elle n’a pas de problème à vendre en ligne, commente Delphine Vitry, cofondatrice du cabinet MAD Network. Par ailleurs, elle a investi dans la marketplace Farfetch, elle n’est donc pas absente du e-commerce. »

La position de Chanel serait-elle une posture ? Si internet ne représente actuellement que 10 % des ventes d’articles de luxe, selon McKinsey, d’autres marques développent des stratégies digitales différentes. LVMH, avec 24 Sèvres, a créé un grand magasin chic sur internet, tandis que Louis Vuitton, Burberry ou Balenciaga ont organisé des ventes flash sur WeChat en Chine. « L'e-commerce peut être un lieu de spectacle, soutient Déborah Marino, directrice générale adjointe en charge du planning stratégique de Publicis Luxe. Farfetch crée des mises en scène magnifiques. La sortie d’une série limitée avec un compte à rebours peut être un véritable événement, digne du dernier épisode de Game of Thrones. » 

Nourrir l'imaginaire

Mumm, maison de champagne du groupe Pernod-Ricard, a relancé la tradition des ventes réservées à un cercle d’amis sous la forme d’une application mobile, RSRV, qui donne accès à des cuvées d’exception et à des dégustations en petit comité. « C’est un mode de distribution confidentiel, accessible sur parrainage, une façon de nourrir l’imaginaire du luxe, fondé sur la rareté, l’attention portée au client », précise Alexandra Fiore, chargée de communication externe sur les marques connaisseurs (whisky, champagne, cognac) de Pernod-Ricard. Cela n’empêche pas la maison d’ouvrir un pop-up store RSRV à Paris en décembre, car le virtuel et le réel sont intimement liés. « Ce n’est pas parce que Chanel a cette stratégie que cela vaut pour les autres », conclut Paul-Emmanuel Reiffers, fondateur de Mazarine Group.

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