Audiovisuel
En complément de l’offre proposée en diffusion linéaire, des ayants droit et pure players digitaux diffusent des contenus sportifs audiovisuels en ligne. En France, ce marché n'est qu'à ses balbutiements, mais interroge sur le modèle économique actuel des diffuseurs télé.

Imaginez-vous suivre des matchs du tournoi de Roland-Garros entre deux séries ? C’est possible à partir de cette saison 2021 sur Amazon Prime Video. Attention quand même à bien gérer votre programmation pour ne pas louper le dernier set. Si en France, les services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) étaient jusqu’ici bornés aux séries, films et documentaires, de nouvelles offres se dessinent dans le secteur sportif. La tendance est encore nouvelle dans l’Hexagone, mais a été accélérée par la crise sanitaire qui a entraîné un coup d’arrêt brutal du sport professionnel et une suspension des versements de droits télé pour certains diffuseurs.

En décembre dernier, la Ligue professionnelle de football a même rompu son contrat avec le groupe sino-espagnol Mediapro. Détenteur de 80% des matchs de Ligue 1 et Ligue 2 de 2020 à 2024, le propriétaire de la chaîne Téléfoot avait demandé à renégocier le prix des droits TV du championnat français. «L’OTT [over-the-top] peut être une solution au modèle économique des chaînes télé qui n’arrive plus à résoudre l’équation du prix, du reach et de la fréquence. Les 15-24 ans consacrent moins leur temps à la télévision en live», affirme Augustin Pénicaud, directeur général adjoint de Havas Sport et Entertainment.

Dans ce marché sans limite qualifié par l’acronyme OTT, le modèle économique de SportAll fait figure d’exception. La start-up française offre une plateforme de diffusion à l’ayant droit, lui-même chargé de financer ses coûts de production. Le modèle repose sur un partage des revenus publicitaires et des abonnements premium (entre 2 et 5 euros par mois). «On veut devenir un vrai média et ne pas être confronté à un problème de grille linéaire. Les contenus sont éditorialisés, catégorisés et poussés en Une. On laisse même la possibilité à l’ayant droit de construire des playlists», explique Thierry Boudard, CEO et cofondateur de la start-up, dont l’application vidéo OTT a été lancée gratuitement en raison de la crise sanitaire. SportAll cible les sports peu médiatisés et moins dépendants des droits télé, comme l’athlétisme ou le badminton. Les couvertures en direct et les contenus audiovisuels additionnels (interviews de joueurs, archives, reportages) sont accessibles en replay et à la demande. 



Vers un modèle hybride ?

FFF TV, FFT TV, LNV TV... Les ayants droit y voient une stratégie gagnante pour accroître la visibilité de leurs contenus non exploités par la télévision. Sur sa plateforme LNB TV, la Ligue nationale de basket diffuse par exemple gratuitement les matchs de Jeep Élite et de Pro B en direct, sauf ceux diffusés par les chaînes L'Équipe et Sport en France. 

Pour cibler de nouvelles typologies d'audience, les clubs sportifs nouent des partenariats avec des acteurs déjà bien installés sur différents marchés. L’AS Monaco est la première écurie du championnat français de football à avoir signé un partenariat avec la plateforme OTT OneFootball. «En diffusant nos contenus exclusifs et originaux en français, anglais, espagnol et portugais, nous développons notre présence auprès d’une audience jeune et internationale», assure Julien Crévelier, directeur de la communication et des relations publiques de l’AS Monaco.

De son côté, l’Olympique de Marseille a été le premier club français à diffuser des matchs sur Twitch. La plateforme (rachetée par Amazon en 2014) a bâti son succès sur le gaming, mais s’est diversifiée en lançant notamment une verticale dans le sport. Twitch a depuis noué un partenariat avec le club qui diffuse sur sa propre chaîne des conférences de presse de l’équipe première, des matchs de l’OM (jeunes et D2 féminine), ou encore des live match commentés. «Ce sont les contenus qui font la richesse d’une plateforme. L’étape 1 est d'abord de créer des contenus attractifs et fidélisants sans accord de droits avec un diffuseur», indique Hugues Ouvrard, head of business à l'OM.

Pour autant, va-t-on passer d’une offre médiatique traditionnelle à une offre 100% digitale ? Malgré l’essor des plateformes numériques, la télévision linéaire reste en tête des usages de la consommation vidéo en France (84% selon l'étude TV Key Facts de novembre 2019, publiée par RTL AdConnect). Mais la diffusion OTT pourrait déjà constituer un levier pour lutter contre le piratage de contenus sportifs.

Christophe Lepetit, responsable des études du Centre de droit et d'économie du sport (CDES), penche vers une solution hybride. «D’un côté, des diffuseurs TV traditionnels remportant les meilleurs lots pour garder une exposition sur leurs marchés forts. Et de l’autre, des pure players digitaux pour coller aux nouveaux usages et proposer au consommateur de créer son propre bouquet. L’offre sportive est aujourd’hui trop rigide et morcelée.»

La Fédération française de tennis a déjà attribué les droits TV du tournoi de Roland-Garros (pour les éditions 2021 à 2023) à Amazon et France Télévisions, diffuseur historique de l'événement. Plus récemment, la plateforme britannique DAZN, détenue par le milliardaire Leonard Blavatnik (propriétaire de Deezer et de Warner Music), s’est lancée en France avec une offre limitée pour l’heure aux sports de combat. «À voir jusqu'où les acteurs traditionnels sont prêts à lâcher du lest pour laisser de la place aux nouveaux acteurs», s’interroge Christophe Lepetit. 



Encore plus de data

Ces nouveaux modèles offrent une nouvelle fenêtre de visibilité aux sponsors et partenaires qui peuvent déjà compter sur l’exposition de leur logo sur les maillots. «On ne considère pas nos réseaux sociaux comme des leviers de commercialisation de nos tickets et de nos produits, mais il y a un intérêt évident pour ces acteurs qui sont aussi à la recherche d’une audience additionnelle et différente», reconnaît Hugues Ouvrard.

Pour Augustin Pénicaud, le ciblage par la data permettra à un annonceur «d’être plus fort dans l’émotion de storytelling et de construire des contenus brand content sur mesure en synergie avec l’ayant droit». Red Bull est sur ce créneau depuis plusieurs années. Alors entre 1 et 10 euros l’abonnement mensuel, il y a moyen d’arrêter de gratter des codes d’accès. Tout en gardant sa tranquillité d'esprit.

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