Dossier Réseaux sociaux
Repéré aux États-Unis dès 2013 par le très sérieux magazine Forbes, le social selling consacre l’art de vendre en utilisant les réseaux sociaux. Il commence à faire des adeptes au sein des entreprises.

Le social selling ou l’art de vendre en utilisant les réseaux sociaux se développe en entreprise. Qu’il s’agisse de biens de consommation courante ou de contrats de plusieurs millions d’euros, la tendance est à l’œuvre chez Sage, Microsoft, La Poste ou Xerox. Ces entreprises accélèrent aujourd’hui la cadence en formant jusqu’à plusieurs centaines de commerciaux.

Le phénomène accompagne l’évolution du comportement du consommateur. Prospect ou client, il a pris l’habitude de partir tout seul à la pêche aux informations sur le web. Quand il entre en contact avec un vendeur, les jeux bien souvent sont faits.Une étude LinkedIn affirme que 51 % des consommateurs sur-connectés auraient déjà pris leur décision d’achat avant le premier rendez-vous commercial. Un constat qui change la donne, rendant cette phase du parcours client capitale.

Or le social selling permet justement d’intervenir en amont avec efficacité. Il élargit et renouvelle le champ de prospection du commercial, et lui permet, à l’aide d’une stratégie éditoriale régulière, de se positionner à temps pour valoriser son expertise.

« Comprendre le client et identifier ses signaux faibles est utile pour définir des pistes d’engagement », rappelle Loïc Simon, fondateur du cabinet de conseil PartnerWin créateur du Social Selling Forum. Si cette nouvelle approche reste autant accessible aux multinationales qu’aux PME, son déploiement nécessite une réelle posture d’entreprise.

Le social selling demande d’abord des formations de qualité, suivies dans le temps par des outils de partage et de valorisation. Elles devront de préférence intégrer des candidats volontaires. Déjà sensibles aux réseaux sociaux, ils sauront donner envie aux autres de les suivre. À condition de ne pas les contraindre, nous rappelle Isabelle Pampelune, directrice marketing pour le réseau des partenaires revendeurs de Xerox: « Bienveillance et patience doivent rester les maîtres mots, car nous demandons un changement de culture. Il faut y aller pas à pas.»

Choisir son réseau

Se pose ensuite la question du réseau social. Lequel choisir? La plupart des programmes pilotes optent pour un usage mono-plateforme. Linked In reste le favori: ce réseau professionnel a d’ailleurs surinvesti pour accompagner les entreprises : études ad hoc, modules de formation, création de l’outil payant Sales Navigator pour cibler et suivre son réseau…

Certains, comme Microsoft, revendiquent néanmoins la complémentarité d’un réseau comme Twitter, seul capable d’agréger en temps réel l’interaction entre communautés autour de grands sujets. Un enjeu de développement bien perçu par le réseau social, qui commence, lui aussi, à multiplier les produits et les formations à destination des entreprises.Loin derrière, Viadeo sait convaincre quelques aventuriers porteurs de problématiques régionales. «Nous avons obtenu des résultats plus forts sur Strasbourg et Nantes avec Viadeo qu’avec LinkedIn », s’amuse Myriam Nessali, directrice animation des ventes pour La Poste.

Mais la clé de voûte repose surtout sur l’élaboration d’une stratégie d’influence de qualité. Pour Antoine de Lasteyrie, ce parti-pris offre d’ailleurs un nouveau souffle à la relation commerciale traditionnelle: «Au-delà du service, on va maintenant vendre des hommes et des expertises. C’est une vraie revalorisation du métier de commercial.»

De l’avis général, la création de cette ligne éditoriale, qui intègre de manière diversifiée de la curation autant que de la rédaction de post, exige un alignement entre les fonctions commerciale et marketing. «Pour être un bon social seller, il faut être plusieurs », rappelle Sylvain Fantoni, responsable du pôle vente de l’école Euridis. Au marketing donc, la création d’un contenu de qualité; au commercial sa diffusion personnalisée pour valoriser son statut d’expert. À analyser les premiers grands retours d’expérience, les mécaniques d’industrialisation sont rôdées et l’emballement palpable. Mais qu’en est-il en termes de résultats ? Rares sont les sociétés qui avancent des chiffres, à l’exception du groupe La Poste, qui identifie à date un million de chiffres d’affaires supplémentaire pour un programme déployé avec 120 commerciaux.

Génération Y

D’autres acteurs, comme Microsoft, préfèrent mesurer les différences de performance entre les groupes. «Nous estimons qu’un social seller génère un chiffre d’affaires 1,7 fois supérieur», précise Sébastien Petit, qui évalue le coût d’un programme à 300 euros environ par social seller et par an. D’autres encore attachent une importance au nombre de nouveaux contacts établis, comme Xerox, par exemple, qui parle de 1 100 nouvelles cibles pour 53 commerciaux pilotes. Les derniers, enfin, scrutent les indices d’interaction du commercial - likes, partages, nombre et qualité des relations - ainsi que la performance de son SSI - Social Selling Index - indice de mesure créé par Linked In pour évaluer le dynamisme d’un profil.

Mais sans KPI référents, il est encore difficile de savoir ce qu’il adviendra de cette tendance au sein des entreprises dans les prochaines années. Pratique phare? Énième outil? À l’évidence, ce nouvel usage est appelé à se généraliser de manière massive, à l’heure de la transformation numérique des entreprises, jusqu’à s’intégrer parfaitement dans le quotidien des nouvelles générations de commerciaux. En 2020, comme le rappelle Laura Lamard, social selling manager pour Sage, «50% des salariés seront issus de la génération Y». D’ici là, l’évangélisation rencontrera probablement quelques résistances. Mais, pour Hervé Kabla, directeur général de l’agence Be Angels et coauteur du livre Le social selling expliqué à mon boss récemment paru aux éditions Kawa, rien d’irréversible: «Le commercial est un animal social par définition. Il aura une appétence naturelle dès lors qu’on saura lui apporter la preuve que cela fonctionne.» Apparaîtra alors un nouveau sujet, celui de l’utilisation de l’identité numérique des salariés au profit des entreprises.

Maître Merav Griguer, spécialiste des questions numériques pour Dunaud Clarenc Combles et Associés, s’inquiète: «Il est fondamental d’établir dès aujourd’hui une délimitation entre vie publique et vie privée, ainsi qu’un inventaire des comportements autorisés, car la généralisation de la tendance créera forcément des situations critiques».

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