[Tribune] Le sentiment de connexion permanente à son travail touche particulièrement les professions créatives. Que ce soit pour le bien-être des salariés ou même pour leur productivité, il est temps d'y remédier.
La santé mentale des Français décline d’année en année, révèle l’étude annuelle Kisi. Paris, qui figurait dans le top 10 des villes où il faisait bon travailler en 2019, a dégringolé dans le classement, jusqu’à atteindre la 28e position en 2022. Plusieurs facteurs peuvent être mis en cause, parmi lesquels le stress, la surcharge de travail, mais également les difficultés de déconnexion. Certains métiers sont plus que d’autres confrontés au surmenage et à l’épuisement professionnel. C'est le cas notamment de ceux qui incombent à la créativité, qui demandent un lourd investissement personnel dans un projet où la subjectivité est de mise, et exposent de fait le créatif à des déceptions.
À l’heure où les entreprises se questionnent encore sur l’adoption du télétravail, une étude publiée par la revue Nature, démontre que les visioconférences entravent la «production d'idées créatives». Pour l’auteur de l’étude, ces réunions réduisent le champ visuel des personnes en communication et filtrent les stimuli visuels périphériques, pourtant nécessaires au divertissement des collaborateurs et cruciaux aux métiers créatifs. Si le détachement est essentiel pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, il peut être difficile de trouver le juste milieu entre trop et pas assez d'intérêt. Alors comment les créatifs peuvent-ils parvenir à l’équilibre parfait ?
Le stress, facteur commun des Français
L’étude Workforce View révèle que le niveau de stress des salariés est en constante évolution depuis la pandémie et touche aujourd’hui 67% des Français. Or, le stress, vecteur de trouble de l’attention, est une entrave à la créativité. D’ailleurs, 53% des répondants déclarent que leur travail pâtit de leur santé mentale en détresse. Il est alors important que les organisations encouragent les collaborateurs à s’octroyer du temps libre, pour leur bien-être mais également pour leur productivité.
Cette attitude, adoptée par la majorité des sociétés lors de la pandémie, se pérennise, même si les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à retourner au bureau. Se déconnecter permet, entre autres, de renouveler son point de vue.
Il peut être difficile de s’éloigner quelques instants d’un projet en cours. Pourtant, cela permet de prendre du recul sur ce dernier. Le détachement vis-à-vis du travail est parfois interprété à tort comme un manque d’attention. Or, il n’est pas synonyme d’indifférence mais constitue plutôt une alternative positive aux deux extrêmes que sont l’excès et le manque d’attention.
Prendre le temps de se déconnecter
Trouver le juste milieu entre l’excès et le détachement peut s’avérer être une tâche difficile. En effet, l’excès peut conduire à un manque de qualité tandis que le détachement peut amener à une absence de satisfaction et d’épanouissement. Il s’agit là d’évaluer ses besoins et ses capacités. Le détachement conscient ne peut se produire que par un effort et une pratique effectués avec lucidité.
Ainsi, pour favoriser une relation plus saine avec le travail, il est essentiel que les collaborateurs intègrent des pauses mentales et physiques dans les emplois du temps. C'est d’autant plus nécessaire que l'absence de séparation entre le lieu de travail et la maison est exacerbée par un flux continu de notifications sur les supports numériques, ce qui rend la déconnexion plus difficile, limite la réflexion et bloque les idées créatives. Bien paramétrer les notifications et l'accès aux technologies liées au travail permet aux employés de gagner en concentration, mais aussi en sérénité pendant leur temps personnel.
Des heures de collaboration, ou une durée prédéterminée pour le travail collaboratif, pourraient également être utiles pour permettre aux employés de s’organiser. Il s'agit également de fixer des règles entre les membres de l'équipe, de communiquer clairement sur les heures de travail et les temps de pause afin de garantir une journée plus équilibrée. Parallèlement, l'utilisation de la technologie asynchrone, comme les outils d'enregistrement d'écran, permet de mieux collaborer sans avoir à forcément être en ligne.
De même, les entreprises doivent encourager leurs employés à prendre du temps pour eux, consacré à la réflexion, à la méditation ou même à une activité sportive, afin de se détacher physiquement et intellectuellement de leur quotidien. Chaque collaborateur devrait avoir la liberté d'adapter son emploi du temps à ses besoins, que ce soit en profitant d'une promenade matinale, d'une séance d'entraînement à l'heure du déjeuner - ou en bloquant du temps pour aller chercher les enfants à l'école.
Un emploi ne définit pas une personne
Bien que les demandes clients soient souvent très exigeantes, nombre d’études soulignent l’importance de la séparation psychologique avec le travail en dehors des heures ouvrées pour un bon processus de récupération.
La probabilité de développer des troubles mentaux tels que la dépression étant plus élevée chez les créatifs, la pratique du détachement contribuera à élargir l'identité des employés en dehors de leur profession. Par conséquent, leur sentiment d'identité sera moins ébranlé lorsque les choses ne se dérouleront pas comme prévu dans ce domaine de leur vie.
Une partie du parcours consiste également à apprendre à se détacher émotionnellement de sa journée de travail pour se reposer et se remettre à zéro, afin de revenir au travail avec un esprit ouvert et de nouvelles perspectives.