Agences
Dans les agences, la mutation des lieux et des rythmes de travail est enclenchée. Elle fait la part belle à une combinaison de locaux nouveaux ou réaménagés, de flex office et de télétravail.

Il y a d’abord ceux qui ont tout changé : de lieu et d’organisation. WPP a vu grand en prévoyant d’installer début 2022 les équipes issues d’une vingtaines d’agences de la région parisienne, soit 2 400 collaborateurs, dans un bâtiment de 28 000 m². La compagnie espère que son nouveau « Campus » lui permettra de « mieux se positionner comme groupe vis-à-vis du client mais aussi de ses collaborateurs et de ses futurs talents ». Pour Louise Mertzeisen, directrice des ressources humaines de GroupM France et People Lead WPP France, « le Campus doit devenir un lieu où les collaborateurs auront envie de venir avec des espaces agréables et des événements comme des conférences, des cours de yoga ou des expositions présentant le travail de nos équipes agences ». S’y ajoute une volonté d’instaurer le télétravail en moyenne deux jours par semaine. « Selon les agences, cela se traduira par des accords ou des chartes, selon la présence ou non d'élus du personnel », précise la responsable qui accorde une grande importance à ce changement et surtout à la phase de transition : « Nous allons accompagner les collaborateurs dans l'adoption d'un nouvel espace sans bureau attitré. Il y aura une phase d'adaptation pour bien tirer profit de cette nouvelle organisation. »

Ici Barbès a aussi changé de locaux, passant de 2 000 m² à 650 m². « Le nombre de mètres carrés a baissé, nous sommes un peu plus serrés mais les locaux sont neufs et donc équipés et conçus selon les normes les plus modernes, dans un immeuble indépendant, avec de bonnes connexions et il y a des terrasses », relève Nicolas Petermann, directeur général. Depuis octobre 2019, l'agence mêle flex office et télétravail pour éviter tout embouteillage en matière de bureaux. « À l'heure actuelle, les locaux sont accessibles sur la base du volontariat quatre jours par semaine à 65 % de leur jauge maximale », explique Nicolas Petermann. Pour la rentrée, le schéma avec le télétravail reste ouvert, Ici Barbès attendant les conclusions des discussions en cours au niveau de la branche professionnelle.

Risque de rupture

Une telle réorganisation n'est pas sans risque. Nicolas Petermann reconnaît qu'elle présente l'inconvénient de rompre le « lien territorial » : « Cela peut produire un sentiment d'isolement par rapport à sa propre équipe », note-t-il. Surtout, il faut veiller à maintenir un système qui « favorise les rencontres et suscite des échanges spontanés, la découverte d'autres métiers et d'autres personnalités » et permet de « nouer des liens entre personnes qui ne sont pas dans les mêmes équipes ».

Change a aussi choisi de réaménager ses locaux en modifiant le ratio entre salles de réunion et bureaux qui représentaient respectivement 10 % et 90 % des surfaces. Désormais, la parité est respectée et plus personne n’a de place attitrée. « On a vite remarqué que cela favorise la transversalité et permet aux gens des différentes équipes de se rencontrer et de se parler, même s’ils ne travaillent pas ensemble », note la directrice générale Laure Poquet. À partir de la rentrée, Change « vise » un dispositif avec trois jours en présentiel mais sans jours imposés. « Nous ne voulons pas “sur-organiser” le rythme de travail, précise sa dirigeante. Nous faisons confiance à nos collaborateurs pour organiser leurs jours de présentiel en fonction des projets sur lesquels ils travaillent. » Laure Poquet retient toutefois un « point de vigilance » sur les juniors et les nouveaux entrants : « Il faut avoir le temps de connaître les personnes et les sujets sur lesquels on travaille, avant de bosser de chez soi. Nous allons leur ouvrir la possibilité de venir tous les jours, sans leur imposer du télétravail qui ralentirait leur intégration dans l’agence»

Plus d’expertise pour les clients

L'agence de marketing digital Jellyfish (Fimalac) a aussi institué le flex office et divisé par deux la surface attribuée à chaque collaborateur tout en se concentrant sur la question du télétravail durant la crise sanitaire, avec des groupes de travail qui ont rendu leurs conclusions en octobre 2020. C’est ainsi qu’est né le projet Jelly Flex, combinant 50% en présentiel, 40% en télétravail (sans cadre hebdomadaire) et 10% dans d’autres agences dans le monde (47 bureaux à travers 20 pays). « C’est le cœur de notre politique qui sera appliquée partout dans le monde, indique Marie Raimbert-Galtier, la DRH de la structure. Elle est déjà pleinement déployée à Dubaï et en Israël, pays quasiment entièrement vaccinés. A priori, à partir de septembre, nous devrions adopter ce nouveau système en France. Jelly Flex est un pilote, il a été acté par PV avec les IRP (instances représentatives du personnel) et nous espérons qu’un accord sera conclu d’ici janvier 2022. »

Pour Marie Raimbert-Galtier, cette nouvelle organisation a permis d’accélérer le recrutement et de fidéliser les collaborateurs tout en proposant « plus d’expertise aux clients ». Ce dispositif demande cependant « beaucoup d’éducation pour bien garder les limites entre vie professionnelle et vie privée ». Pour éviter l’isolement, les managers ont été formés au management à distance afin de préserver le contact avec les collaborateurs. Il leur a également été demandé d’augmenter les échanges directs et de réduire les mails. Autant de précautions qui seront sans doute utiles pour aborder des formes et des rythmes d’organisation du travail pour la plupart inédits dans un secteur auparavant très attaché au présentiel.

Trois questions à…

« Il faut impliquer les salariés dans le projet »

Xavier Leloup, psychologue du cabinet Preventis

Quels sont les risques d'un réaménagement ?

Les changements de lieux et d'organisation entraînent généralement une perte de repères et un sentiment de perte de maîtrise. Cela peut générer de l'insécurité, du stress et de l'anxiété, qui peuvent avoir un impact sur les relations interpersonnelles ou le travail d'équipe. Cela peut aussi générer des tensions entre les collaborateurs qui perçoivent le changement de façon positive, en considérant l'amélioration de l'environnement de travail, et les personnes qui ont du mal à appréhender la nouvelle situation.

Comment faire passer un tel changement dans l'organisation du travail ?

Il faut informer et communiquer le plus en amont possible et impliquer les salariés dans le projet, sur l'aménagement des espaces de travail, le choix du mobilier ou des modes de transport possibles. Il s'agit de co-construire le lieu avec les salariés. Il faut écouter les freins et les craintes pour en faire une matière à travailler plutôt que les qualifier de « résistance au changement ».

À quoi faut-il être attentif sur le plan humain ?

La combinaison entre flex office et télétravail doit susciter un point de vigilance sur la question relationnelle. De nouveaux espaces de rencontres, d'échanges, de nouveaux rituels doivent être créés. 

 

 

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