Evoquer ses soucis, ses difficultés, relève parfois du combat entre pragmatisme et pudeur. Mais alors que choisir ? La vérité brute, parfois trop, ou la discrétion qui ménage, du moins en apparence, les sensibilités ? Pour les entreprises et marques, la réponse ne doit pourtant pas souffrir de débat : le discours de vérité est une nouvelle vertu.
Si l’avènement de la RSE a déjà déblayé ce chemin, la crise sanitaire qui se double d’une crise économique (présente et à venir) oblige les acteurs économiques à se regarder sans fard dans le miroir. Oui, l’activité est touchée. Oui, des changements vont être nécessaires. Oui, des emplois vont être menacés. Et oui, il va falloir le dire. Sans se complaire dans l’attentisme.
Certains chiffres témoignent de la frilosité ambiante. Malgré une année 2020 à l’activité fortement ralentie, le nombre des ouvertures de procédures collectives décroit au plan national, avec une diminution de 25%, en glissement annuel au 1er octobre 2020, et de 29% en Île-de-France, selon l'Observatoire des entreprises en difficultés (OCED) de la Chambre de commerce et d'industrie. D’aucuns argueront que les perfusions mises en place par l’Etat conduisent à ces données, que les difficultés se traduiront lors d’une troisième vague, cette fois-ci économique. C’est parfois vrai, mais ce serait également ignorer la peur de «mauvaise publicité» qui paralyse certaines décisions et prises de paroles publiques.
La prévention est pourtant bonne gestion. Surtout en matière de communication. Au-delà de la simple situation économique, les entreprises et marques sont des catalyseurs pour leurs salariés, clients, partenaires, fournisseurs. Le flou y demeure une expression artistique qui ne convainc personne. La société, dans son sens originel, doit réunir, permettre l’aventure commune, sans cynisme ou intérêt. Et le faire de façon structurée.
Restaurer la confiance
Dans le cadre de ces situations spéciales et communication de crise, l’entreprise doit avant tout restaurer la confiance. La confiance ne justifie pas de tout dévoiler sans réflexion, mais se gagne avec méthode et engagement de toutes les parties prenantes. C’est le cas pour les salariés, auprès desquels il ne faudra pas noyer la réalité sous des piles de slides sans âme lors du CSE. Ils constituent le cœur de l’activité, méritent l’objective situation et le futur envisagé, quel qu’il soit. A ce titre, le soutien de l’aciérie Ascoval par ses ouvriers est un exemple de confiance marquant. Pour favoriser la reprise de l’usine alors en difficulté, et malgré les suppressions d’emplois envisagées, ceux-ci ont revu poste par poste les économies structurelles possibles pour produire à moindre coût et faire face à la concurrence internationale. C'est le résultat d’une communication interne franche et d’un lien renforcé entre les dirigeants et la cheville ouvrière de l’activité.
De la même façon, se cacher derrière le petit doigt de la crainte peut décourager tout un écosystème. Pour les fournisseurs, partenaires, clients, faut-il attendre une déconvenue soudainement médiatisée ou faire appel à l’intelligence, en exposant les solutions futures et en prenant le taureau qui s’agite par les cornes d’un projet plus viable ? La présidente d’Europcar le rappelait encore récemment lors du Sommet de l’économie, organisé par le magazine Challenges.
Il en va du rôle des professionnels de la communication de rassurer, de faire de notre science en apparence inexacte une science de la «vérité», celle qui s’impose à tous et embarque vers l’avenir : conseiller les dirigeants dont la tâche est ardue, et qui doivent disposer d’un avis éclairé sur la manière de renforcer des liens distanciés par la crise sanitaire. D’autant que 2020 nous l’a montré : la solidarité, même dans la difficulté, est une valeur essentielle pour envisager des jours meilleurs.