Ressources humaines
Face à la situation sanitaire et à la pression économique de la crise, les entreprises doivent lutter contre l'inquiétude et la perte de repère de leurs salariés. Comment y remédier ?

L'année 2020 est bien compliquée. Crise sanitaire, économiques... Et en sus, bon nombre d’événements professionnels et de projets sont décalés, annulés... Tout le monde navigue à vue dans un rythme effréné. Salons, séminaires, conférences… Même les soirées n'ont pas lieu. 

Recul du PIB de plus de 10 %

À ce contexte, s’ajoute une tension économique permanente, avec un recul du PIB de plus de 10 % pour 2020, et des dégats encore non mesurés de fait de la deuxième vague pour 2021. Mais le tableau est sombre. Il va falloir batailler pour garder la tête hors de l’eau, et pour certaines entreprises, survivre. Les premiers plans de départs ou de licenciements commencent à être annoncés. La peur au ventre, l’année 2021 pointe. Alors face à tout ce contexte et au-delà du Covid-19, c’est une épidémie de stress au travail qui pourrait pointer son nez. « Nous sommes nombreux à partager cette analyse, en toute objectivité. Tout dépendra de la conjonction des différents facteurs », estime Marc François Senior Advisor chez Deloitte en charge du capital humain. Le niveau de tension et de pression sera à son maximum. Tout le monde sera soumis à rude épreuve. Alarmiste ?

D’autres professionnels vont dans ce sens. « Entre le gel des promotions, des recrutements, les risques de suppression d’effectif, de reconfinement locaux ou nationaux, c’est toute la sphère personnel des collaborateurs qui sera ébranlée », surenchérit Neïla Choukri, COO de Supermood. Cette start-up, créée en 2015, a pour objectif de mettre en place un logiciel pour faire remonter les questions et problèmes des salariés anonymement, afin de mieux piloter les conditions de travail et prévenir les risques psycho-sociaux.

Déjà, à la suite du confinement en France, le moral des troupes laissait entrevoir un coup de mou. « Un sondage Opinion Way affirmait que le pourcentage de personnes stressées avait augmenté de 10 points et surtout, que la catégorie des motivés, avait diminué de 25 points », ajoute Marc François. Ce sondage alarmant avait été rendu public le 20 avril et, et cet été la vie a pris un semblant de cours normal. Mais c’était compter sans tous les facteurs de rentrée et la deuxième vague. Selon le dernier baromètre de Santé Public france, le taux d'état de dépressifs en France est de 20,9%. En hausse de plus d'un points en quelques semaines. 

Incertitude

En entreprise, la valse des objectifs personnels ne fait que commencer. Or la première cause du stress, c’est l’incertitude (lire entretien). « Le déséquilibre global de tout notre environnement créera des tensions. Les repères seront brouillés. Il va falloir gérer l’incertitude. C’est encore autre chose que de la gestion des risques, qui consiste à faire des probabilités en fonction de situations passées connues. Dans la situation actuelle, on ne sait rien. On tire sans connaître la couleur des boules », estime Neïla Choukri.

Pourtant, l'entreprise doit se préparer. « Comme nous serons toujours, par la force des choses, dans la tension dynamique de changement, elle doit tenter de créer des repères, ajoute-t-elle. Et tout commence par le fait d'accepter réellement que les repères vont changer. » Un conseil avisé, mais « assumer cela, en avoir pleinement conscience, ce n’est pas forcément facile pour une entreprise traditionnelle », estime la spécialiste.

Ensuite, il faut tenter de créer ces fameux repères dans l’espace ou le temps. Chez Natixis, par exemple, Supermood, après écoute des salariés, a aidé à repenser le bureau comme un espace de cohésion et de collaboration. Avec la mise en place majoritaire du télétravail, si les employés viennent au bureau, ce n’est plus pour travailler individuellement, mais bel et bien pour partager avec les autres. On redéfinit les choses.

Être à l'écoute

« L’une des premières valeurs selon moi, c’est l’attention à l’autre. Elle est la base sur laquelle peut se construire le dialogue, la capacité à échanger. Tous les individus ne réagissent pas de la même manière, en situation de stress. Et un même individu peut réagir différemment à deux moments différents », explique Marc François. Seul une écoute sensible et une adaptation permanente de son leadership permettra de limiter au maximum les risques.

« Pendant cette période, les émotions vont prendre davantage de place, nous allons devoir être à leur écoute » complète Neïla Choukri. C’est ainsi que le manager va devenir un chef d’orchestre empathique pour ses équipes. « À condition qu’il ou elle soit embarquée par sa direction. L’implication de la direction est primordiale. Si cette dernière transmet une pression non-précisée, le manager ne pourra jouer le rôle d’amortisseur et la fera subir aux équipes. Il sera donc importateur de stress plutôt qu’exportateur d’enthousiasme. » D'où l'importance de prendre le temps d’expulser son stress, et d'avoir du recul, surtout, du recul.

Trois questions à

Marie-Françoise Crouail, sophrologue et formatrice pour Up United Partners.

« L'incertitude de la crise dépasse le cadre du travail »

 

Faut-il s’attendre à une recrudescence de stress au travail  ?

La première source du stress c’est l’incertitude. Les changements qui arrivent sont multiples. Mais il ne faut pas oublier qu’au-delà du travail, c’est de stress général dont il est question. Aux tensions professionnelles pourront s’ajouter du stress familial, la peur d’être séparé de ses proches, la crainte pour sa santé, son foyer, son avenir... C’est un stress existentiel avant tout. L'angoisse concernera de nombreux domaines. Risquer de perdre son emploi remet en question tout le modèle que l’on a construit, les projets à venir ou installés. L’incertitude de cette crise sanitaire dépasse le cadre du travail, mais concerne tout ce qu’on a pu connaître dans la société, et qu’on risque de connaître. Rien ne reviendra comme avant. C’est ce que les entreprises comprennent en ce moment. Après l’instauration de modes opératoires intermédiaires, elles commencent à mettre en place de nouvelles organisations plus pérennes, mais sans reproduire les plannings et les modèles précédents.

Que peuvent faire les managers dans ce cadre ?

D'abord, accepter ce changement et ne pas se résigner, puis s’adapter à cette incertitude et ne pas résister à ces nouvelles situations qui arriveront. Sinon c’est du déni de réalité et le manager luttera sans cesse contre quelque chose qui n’ira jamais dans le sens qu’il souhaite. Il se mettra alors en stress lui-même…

Et auprès des collaborateurs ?

Le rôle d’un manager est d’accompagner. Il ne peut pas se soumettre au moindre desiderata de chaque collaborateur, mais écouter, comprendre, et surtout, ne pas prendre les choses personnellement. L’écoute et le dialogue dans les équipes sont fondamentales lors de ce type de crises.

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