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Pour intégrer plus de personnes en situation de handicap, les grandes agences multiplient les initiatives, mais sans avancées notables. Plus engagées, les entreprises adaptées du secteur comptent jouer un rôle d’aiguillon.

En pleine semaine du handicap, le secteur des agences ne brille pas par son exemplarité. BETC ne compte que 21 salariés en situation de handicap pour 1000 collaborateurs, un taux de 2,1% largement inférieur au seuil de 6% fixé par la loi, et Publicis indique de son côté avoir «encore trop peu de collaborateurs en situation de handicap déclarés». Sophie de Gromard, DRH de BETC, pointe le manque de candidats potentiels : «Recruter des collaborateurs en situation de handicap est une réelle difficulté. Nos métiers demandent un haut niveau d'étude et les personnes en situation de handicap sont majoritairement peu qualifiées du fait de leur faible niveau de formation. Plus de 80% des personnes en situation de handicap ont un niveau inférieur au baccalauréat. » Un phénomène global, selon elle : « En effet, l'exclusion commence dès l'école.»

Pour surmonter cette difficulté, Publicis a crée en 2017 une «mission handicap» composée d’une directrice du handicap et de dix référents et correspondants. Les premiers sont chargés sur le terrain du lien avec le collaborateur handicapé et les seconds du déploiement de la démarche en lien avec les managers. «Ce dispositif s'anime grâce à une forte mobilisation interne et des actions externes ciblées», précise Valérie Charpentier, chief talent officer chez Publicis.

En 2018, le groupe a lancé son premier «Handi Hackathon» avec l’objectif de concevoir des solutions innovantes «pour aider les personnes en situation de handicap, que ce soit dans le domaine du recrutement ou dans le maintien dans l'emploi». Cette manifestation a réuni 70 participants et primé un outil qui doit faciliter l'enregistrement des collaborateurs en tant que travailleurs handicapés. Une démarche similaire à celle de l’AACC qui cherche à lever les appréhensions des salariés [lire encadré].

Une vigilance constante sur le terrain

BETC mise, de son côté, sur le vivier des jeunes. Via des partenariats noués avec l’AACC, l’association Tremplin ou des établissements scolaires médico-sociaux du territoire (IME, Sessad…), l’agence accueille des jeunes scolarisés de la troisième à la terminale, ou dans l’enseignement supérieur. Les stages vont des périodes d’observation d’une quinzaine de jours à de véritables alternances. Dans certains cas, les jeunes sont accompagnés de leurs éducateurs spécialisés, un appui «particulièrement rassurant pour les collaborateurs s'investissant dans une première expérience de tuteur», selon Sophie de Gromard. En mai dernier, BETC a collaboré au programme DuoDay. Cette initiative à douze personnes consiste à partager la journée d’un collaborateur de l’agence et découvrir son métier. «Accueillir quelqu’un en situation de handicap peut être compliqué, ajoute-t-elle. Les stages permettent d'apprendre petit à petit.»

Malgré ce terreau pas toujours propice, des entreprises adaptées ont percé. Inspirience, fondée en 2013, compte une douzaine de salariés handicapés. Cette agence événementielle spécialisée dans la RSE a investi dans un système de GPEC (1) spécifique aux entreprises adaptées qui prend en compte aussi bien les compétences que la situation de handicap. Ce dispositif se double d’une vigilance constante sur le terrain. «Nous sommes en permanence en train de vérifier que la mission confiée au collaborateur est en adéquation avec la situation de handicap et son évolution, explique Véronique Fizelson, directrice associée. C'est un rôle supplémentaire par rapport au manager classique.» Chaque mois est organisée une réunion avec les collaborateurs pour faire le point sur ces questions.

Une «passerelle» vers les entreprises classiques

«Les entreprises adaptées qui valorisent les compétences intellectuelles des personnes en situation de handicap sont encore trop peu connues», déplore Katia Dayan, fondatrice de l’agence Les Papillons de Jour, «première agence de communication globale adaptée» qui emploie 25 permanents dans la communication, et pas seulement du handicap. Elle souligne la nécessité de «faire bouger la culture interne des entreprises» et appelle chacun à balayer devant sa porte : «Prôner l’embauche de personnes en situation de handicap, c’est bien mais il faudrait déjà rendre les transports plus accessibles. Paris compte une seule ligne de métro entièrement accessible aux personnes en situation de handicap.» Katia Dayan rappelle le rôle transitoire de sa structure: «L’entreprise adaptée est une passerelle vers les entreprises classiques. Nos collaborateurs sont souvent débauchés et partent travailler dans de grands groupes.» Pour démultiplier ce flux, son agence a lancé un site internet qui met en relation les entreprises classiques et les personnes en situation de handicap.

Dans la même optique, Inspirience a lancé en 2017 «Passerelle evénementielle» qui étend sa démarche à tous les intervenants liés à l’organisation d’un événement. Après un test en 2017, ce dispositif est utilisé en 2019 par quinze clients et une dizaine d’entreprises partenaires disposées à mettre à disposition des professionnels qui seront des tuteurs. Pour une quarantaine de missions réalisées, 30 personnes en situation de handicap ont déjà été mobilisées. D’ici 2021, l'agence compte tripler le nombre de ses clients faisant appel à ce dispositif et le proposer aux grandes références du marché. À charge pour elles d’ouvrir leurs postes à une communauté dont le taux de chômage s’élève à 18%, soit plus du double de celui de la population.

Entretien

« Il faut transformer la culture des agences »

Gildas Bonnel, président de la commission RSE de l’AACC

Marie Gabrié, directrice déléguée à l'AACC



Quelles actions mène l’AACC pour favoriser l’insertion des personnes handicapées ?

Gildas Bonnel. Le premier enjeu est de mieux intégrer ces collaborateurs. Pour cela, il faut transformer la culture des agences et les amener à s'adapter pour assurer un meilleur accueil des personnes en situation de handicap. Grâce à un partenariat avec le rectorat de Paris, nous proposons aux agences d'accueillir des élèves de 3ème pour des stages d'observation d'une semaine dans les agences. En 2018, une trentaine d'entre elles ont accueilli une soixantaine d'élèves dans des stages de ce type. Nous avons mis en place des formations pour les tuteurs de ces élèves en agence, afin de faciliter leur accueil. Nous avons élargi le dispositif en proposant des stages plus longs qui peuvent durer jusqu'à trois mois pour les élèves dans des cursus de communication, de la 1ère à la Terminale ou même plus avancés.  Notre but est de favoriser la professionnalisation des élèves et à terme leur recrutement. 



Quelles nouveaux dispositifs sont prévus en 2020 ?

Marie Gabrié. Nous mettrons l'accent sur l'accessibilité du digital aux personnes en situation de handicap qui est une obligation pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 500 millions d'euros. C'est un enjeu pour les agences de production et les annonceurs qui vont devoir sous-titrer les vidéos et proposer une option audio sur les applications et les sites web. Nous avons mis sur pied un groupe de travail qui va faire une synthèse sur la réglementation pour alerter les agences de production digitale. C'est une opportunité pour les agences d'avoir un échange avec les annonceurs.

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