Reconversion professionnelle
La réorientation professionnelle et le changement de voie ne se font pas nécessairement sur un coup de tête. Chloé Schemoul, auteure du Manuel de l’Affranchi, dispense ses conseils pour réussir une transition délicate vers un projet personnel ou un nouveau métier. Dans la douceur.

La rentrée est souvent l'occasion d'interrogations multiples. Suis-je bien dans mon job ? Est-ce que je donne le meilleur de moi-même ? L'herbe n'est-elle pas plus verte ailleurs ? Et si je changeais de métier ? Chloé Schemoul, auteur du Manuel de l’Affranchi, a balisé le chemin pour réussir sa réorientation professionnelle. Cette diplômée d'ESCP Europe, ancienne responsable de projets en data et intelligence artificielle, s'est attelée à la question du recrutement par soi-même. Ses conseils.

 

1/ Dessiner sa réorientation

Attention, l'impatience peut gâcher un grand projet. Pour Chloé Schemoul, il faut donc « faire les choses dans l'ordre et sereinement ». Le processus de maturation est donc nécessairement lent. Il faut d'abord accepter d'ouvrir « une grande gamme de possibilités ». Si le projet peut être « libérateur », il « doit être dessiné progressivement ». Au fil des entretiens menés avec des personnes qui se sont ré-orientées, Chloé Schemoul a conclu qu'il faut passer par quatre phases : « Les deux premières sont plutôt de l'ordre du travail personnel. Il s'agit de déterminer son nouvel objectif et de se mettre dans le bon état d'esprit pour l'atteindre. Les deux suivantes sont plus pragmatiques. Il s'agit de choisir son prochain métier et de préparer concrètement son entrée dans sa future vie. »

La première étape sonne comme une évidence : faire le bilan de sa situation professionnelle pour déterminer notamment ce qu'on apprécie ou non, ce qui déçoit.... Quelle que soit la situation, la prise de recul est toujours utile pour analyser son ressenti, et aussi se rappeler le chemin parcouru jusqu'à aujourd'hui. Il s'agit aussi de cerner les sources de motivation, d'influence... ou de craintes. « Cette première étape permet de se libérer des fausses croyances ou des schémas qui ne nous épanouissent pas, résume Chloé Schemoul. Elle permet aussi de faire la paix avec ses décisions passées et de gagner un regard lucide et apaisé sur son chemin. C'est primordial pour aborder sereinement la suite. »



2/  Bâtir sa confiance en soi

Dans une seconde étape, la ré-orientation exige de construire une confiance en soi. « Cette phase suppose d'explorer ses envies en profondeur et définir ce qu'on attend de sa future vie professionnelle, explique Chloé Schemoul. Mais elle suppose aussi d'explorer, à l'autre extrême, ses peurs. Cela permet aussi de comprendre ce qui nous retient. » Une peur revient souvent : celle de manquer d’argent pendant ou après sa ré-orientation. Comment la conjurer ? « Souvent, les gens qui s'engagent dans une réorientation fixent un montant d'argent à épargner pour se rassurer mais il arrive qu’ils se lancent avant d'avoir réussi à économiser la totalité de la somme prévue », constate Chloé Schemoul. La peur de l’échec, de l’inconnu ou du regard d’autrui peuvent aussi être surmontées, parfois simplement en s’informant ou en rencontrant des personnes qui se sont réorientées. « Quand ce cadre est bien défini, quand on sent qu'on en est bien le créateur, qu'on ne s'est pas laissé influencé, on a souvent déjà atteint le niveau de confiance en soi nécessaire », résume Chloé Schemoul.

 

3/ Savoir lire l'heure du choix

La troisième étape doit servir à choisir son prochain métier ou confirmer un choix déjà arrêté. « Une fois atteint le bon état d'esprit, la vaste majorité des gens décident de se réorienter avant même de savoir vraiment vers quel métier aller, a constaté Chloé Schemoul. Trois éléments sont clés pour prendre la bonne décision : l'intuition, la raison et l'expérience, pour imaginer une liste d'orientations possibles, les trier et les prioriser. » Il s’agit d’abord d’écouter son for intérieur. C’est possible à condition de prendre du temps pour soi et pratiquer un salutaire lâcher prise. « Il est ensuite utile de rationaliser ses motivations, ses compétences et la réalité du marché du travail pour compléter ses idées d'orientations », précise Chloé Schemoul. Au terme du processus, il ne reste plus que deux ou trois options. Place alors à… l’expérimentation ! Les options sont multiples : s’exercer le week-end, ou bien se lancer dans le bénévolat pour tâter le terrain. « Le plus rassurant est le mi-temps mais c'est un cas rare : malheureusement, en France, les entreprises ont du mal à l’accorder », regrette Chloé Schemoul. Il est aussi possible de se rapprocher de sa future activité à travers sa profession actuelle, note l’auteur : « Parmi les 50 personnes que j'ai interrogées, l'une a ainsi demandé à ses supérieurs en agence média de rédiger plus de contenus pour se rapprocher en douceur de son activité actuelle : auteur de romans. »



4/ Préparer le « jour J »

Vient le moment de passer à l’action. Globalement, il faut s’informer, réunir un montant d’économies, éventuellement choisir une formation, se construire un réseau et expérimenter. Sans oublier d’établir un calendrier qui mentionne le « jour J », celui où on aura changé de vie. « C'est un point clé car cela agit comme un phare dans la nuit, cela permet de dédramatiser et de se motiver, souligne Chloé Schemoul. Cela permet aussi d'avoir un discours plus affirmé auprès de son entourage et ses proches, leur montrer qu'on se prépare. »

Cette phase implique aussi d’anticiper ses futures habitudes. De nouveaux horaires par exemple. « Construire un nouvel environnement peut s'avérer aussi utile pour s'entourer des bonnes personnes ou simplement se rassurer pour entrer sereinement dans sa nouvelle vie », ajoute Chloé Schemoul. Toutes les étapes ne se succèdent pas toujours comme prévu. D’où l’importance de « savoir rester résilient et flexible pour s'adapter à l'évolution de ses envies et aux aléas à venir »

 

5/ Oublier ses préparatifs

Il convient enfin, une fois rassemblées toutes les conditions qui vont favoriser la réorientation, de savoir oublier l’ensemble des préparatifs pour entrer dans le temps de l'adaptation permanente. « Il ne faut pas trop se mettre sous pression, souligne Chloé Schemoul. Il faut sortir du rationnel et se laisser aller au moment présent. Et profiter. Si besoin, tout ce qui aura été pensé, défini et anticipé durant la préparation reviendra naturellement à soi au cours de sa nouvelle vie. » Comme souvent, les efforts consentis en amont produiront leurs effets au bon moment, engageant la ré-orientation sur la bonne voie.  

L'auteure

C’est durant ses études à l’ESCP Europe (2011-2016) que Chloé Schemoul a commencé à se pencher sur les nouveaux rapports au travail et au thème de la ré-orientation. Elle a exploré plusieurs univers en travaillant successivement chez M6, Google, Carrefour et des start-up, aussi bien dans le marketing, la data que l’intelligence artificielle. Après le Graduate Programme de Carrefour, en 2018, elle a renoué avec l’analyse de l’organisation du travail. Elle s’est aussi lancée dans la rédaction d’un livre sur la ré-orientation, Le Manuel de l’affranchi, basé sur plus de cinquante témoignages, qui paraît en septembre aux éditions Marabout. En parallèle, elle conseille aussi les entreprises sur leur marque employeur et leur environnement de travail.



 



 



 

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