Plus d'un siècle et toujours en forme... grâce au sport. Pour Michelin, le sport est une stratégie d'entreprise. À Clermont-Ferrand, siège du manufacturier, le stade Marcel-Michelin est depuis cent ans l'incarnation de cet engagement. «Nous pouvons nous targuer de mener le plus ancien mécénat sportif du monde», affirmait fièrement Jean-Dominique Sénard, le gérant du groupe en ouverture de la première Convention internationale sport & entreprise organisée par Michelin le vendredi 4 novembre dans la préfecture du Puy-de-Dôme.
La compétition est la partie émergée de cette politique. Michelin, avec notamment son champion du monde des rallyes, Sébastien Lœb, utilise le sport comme un levier de communication et d'exposition technologique. Derrière cette façade, le sport pour Michelin est un outil management interne privilégié. «On commence à peine à prendre en compte le lien entre le sport et l'entreprise au niveau social», estime Jean-Dominique Sénard. Si sur les sites tout est fait pour inciter les collaborateurs à la pratique physique (salles de gym internes, accès privilégié aux équipements sportifs, horaires aménagés, etc.), le sport n'est pas présent dans un but seulement sanitaire. «Chez Michelin, les valeurs portées par le sport et l'entreprise se retrouvent et se conjuguent de la même manière», certifie le dirigeant.
Selon Jean-Michel Guillon, directeur du service du personnel, «la compétition sportive confère à Michelin un statut de leader à l'entreprise et développe la fierté d'appartenance». Et l'esprit de compétition active la motivation. «Le haut niveau permet de rassembler, estime Jean-Michel Guillon. Dans les tribunes du stade de l'ASM, les frontières sociales et hiérarchiques tombent. Par ailleurs, notre image attire également des pratiquants et nous avons observé que ce type de salariés s'intégrait plus facilement dans les équipes. Enfin, la pratique du sport loisir offre un meilleur équilibre de vie.» Et, dans les salles de gym, tous les collaborateurs sont au même niveau. De quoi faciliter le discours social, au passage.
Michelin s'appuie aussi sur le sport pour améliorer les conditions de travail. Dans les ateliers, des kinés travaillent avec les ouvriers pour trouver les positions les moins fatigantes. Selon l'entreprise, les résultats sont visibles. Les taux d'accidents auraient baissé dès la mise en place de ces aides. Dans la même idée, les salles de sport, installées au sein même des sites de production, sont adaptées aux besoins physiques des métiers exercés.
«Pour Michelin, le sport est une question de stratégie, soutien Claire Dorland-Clauzel, directrice de la communication et des marques. La compétition permet de développer des produits performants et d'être meilleurs que les autres. Mais il y a aussi une stratégie managériale. La pratique sportive développe des qualités importantes dans la vie et dans l'entreprise: la rigueur, le dépassement de soi, la volonté, l'esprit d'équipe, mais également la modestie et la gestion des échecs.»
Toutefois, la recette miracle n'existe pas. «Ce qui marche pour le sport ne fonctionne pas forcément pour le monde de l'entreprise, nuançait Matt Rogan, directeur de Lane 4, lors de la Convention internationale sport & entreprise. Par exemple, en sport, l'athlète est focalisé sur le court terme, alors que, dans l'industrie, les projets peuvent s'étaler sur plusieurs années.» Mais l'homme d'affaires britannique reconnaissait que le sport apportait aussi une dimension émotionnelle importante dans le travail. «Pour une entreprise pharmaceutique qui voulait gagner quelques points de part de marché en Pologne, j'ai conseillé aux dirigeants d'écarter le discours interne conventionnel, et de motiver les salariés sur le fait qu'être leader cela signifiait aussi sauver plus de vies», confiait Matt Rogan. L'esprit de compétition se mue alors en challenge philanthropique. Et la petite larme du vainqueur, lors du gain d'un budget ou d'un nouveau client, ne prête plus à sourire.
