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Assurer une formation, animer des débats d’actualité ou des forums avec les lecteurs: les journaux envoient leurs rédacteurs sur tous les fronts. Les exemples de Rue 89, Libération et Médiapart.

Qu'un journaliste prenne tous les ans quelques jours de RTT pour transmettre à des étudiants les arcanes de son métier est chose plutôt classique. Qu'il se lance dans la formation à la demande expresse de sa direction est beaucoup moins fréquent. C'est le cas des rédacteurs de Rue 89.

Condamné à diversifier ses activités dès sa création, en 2007, le site d'information s'est inventé prestataire de services. Il a commencé par proposer à d'autres journaux de construire leurs sites Web. Deux ans plus tard, en pleine crise des recettes publicitaires, il a créé un département formation puis, plus récemment, a lancé une activité de consulting afin d'aider les journaux à affiner leur stratégie numérique. «La formation reste l'activité la plus rémunératrice», affirme Pierre Haski, l'un des fondateurs du site.

La vingtaine de journalistes de Rue 89 est fortement mobilisée. Lorsque David Servenay, journaliste féru de pédagogie, met en place l'offre de formation, l'équipe est invitée à suivre une… formation de formateur. «Aujourd'hui, tous les rédacteurs sont capables d'animer les journées "Écrire pour le Web". Ensuite, bien sûr, chacun se spécialise. Certains sont plus à l'aise pour former à la vidéo, d'autres au référencement, d'autres encore à la création de blog ou à l'utilisation des réseaux sociaux, etc.», explique Laurent Mauriac, cofondateur de Rue 89. Les journalistes coiffent leur casquette de formateur deux jours par mois en moyenne, parfois une semaine ou deux quand les formations ont lieu à l'étranger.

La direction de Rue 89 n'a rien laissé au hasard. L'obligation de s'investir dans la formation est spécifiée dans le contrat des nouveaux embauchés. Pas question que le travail de formateur soit comptabilisé en heures supplémentaires. Par ailleurs, des primes (pour moitié individuelles, pour moitié collectives dans le cadre de l'intéressement) sont calculées sur la marge générée par les formations. «Le fait d'être formateur oblige les journalistes à rester à la pointe de leur métier. Et ce d'autant plus qu'ils s'adressent à d'autres journalistes», ajoute Laurent Mauriac.

Évolution de carrière

La diversification des groupes de presse amène aussi parfois les journalistes à se transformer en organisateurs d'événements et en animateurs. C'est le cas à Libération, où ils sont invités à participer aux quatre forums annuels. «Quand nous avons démarré les forums, il y a quatre ans, j'en étais l'organisateur quasiment exclusif. Désormais, tout le monde doit s'impliquer. Cela fait partie de l'activité de journaliste», affirme le directeur du développement du journal, Max Armanet.

Et il y a du pain sur la planche, puisque pendant trois jours plus de 100 intervenants échangent sur des sujets d'actualité. Chaque forum mobilise une vingtaine de journalistes de la rédaction. Par ailleurs, une grosse équipe issue de Liberation.fr se déplace pour assurer le suivi des débats.

Pourtant, rien n'est formalisé. Tout repose sur le volontariat et les journalistes ne reçoivent aucune formation préparatoire à cet exercice périlleux qui consiste à animer un débat. «Nous en sommes au 11e forum. Nous avons accumulé un savoir-faire que nous pouvons désormais transmettre», assure Max Armanet. Aucune prime n'est versée aux journalistes pour leur implication, mais aucun n'ignore qu'elle peut être décisive pour leur évolution de carrière...

C'est dans les théâtres du Rond-Point, de la Colline ou du Châtelet que Mediapart organise des colloques d'experts sur des thèmes proposés par la rédaction. Tous les journalistes – et pas seulement la direction – animent ces événements. Ils ont aussi l'occasion de rencontrer les abonnés une fois par mois, dans le cadre des Lundis de Mediapart. «Je sollicite les journalistes en fonction des sujets. Dernièrement, quatre d'entre eux ont participé à un débat sur la révolution égyptienne», explique Yolande Laloum-Davidas, qui organise ces rencontres.

Ces confrontations avec les lecteurs se font, là aussi, sur la base du volontariat. Confrontation, le mot n'est pas trop fort. «Ces événements, ce n'est pas de l'eau tiède, commente Yolande Laloum-Davidas. Les lecteurs ont besoin de rencontrer ceux qui les informent et de leur demander des comptes. Et pour les journalistes, c'est une nouvelle façon d'aborder leur métier».

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