Ressources humaines
L'année 2010 restera comme une année charnière pour la gestion des risques psychosociaux dans l'entreprise. Les actions se sont multipliées. Mais les résultats se font encore attendre.

Un gros coup de stress. Le 18 février, Xavier Darcos, ministre du Travail, dévoilait le nom des entreprises qui n'avaient rien fait pour lutter contre les risques psychosociaux au travail. Ou plutôt, il présentait trois listes en couleur: verte pour les bons élèves; orange pour les moyens et rouge pour les cancres. D'où une poussée d'adrénaline forte dans les directions des ressources humaines. Parmi 1 500 entreprises françaises de plus de 1 000 salariés, 45% n'avaient rien mis en œuvre au 1er février. C'était le cas de l'Agence France-Presse, d'Ericsson France, de Prisma Presse… De leur côté, SFR ou France Télécom se rangeaient parmi les «orange» (35%).

Mais dès le lendemain, Xavier Darcos devait enlever ses listes d'Internet, pour ne conserver en ligne que les bons élèves. Une situation frisant le ridicule. Néanmoins, cette démarche a eu pour effet positif que, pour la première fois, les entreprises se retrouvent sous pression sur le sujet du stress. Dans la foulée, la plupart des grands groupes ont entamé des négociations avec les syndicats sur le sujet. «Ils sont enfin sortis du déni et ont dépassé le débat “Faut-il s'en occuper ou pas?”. Leur seule interrogation, désormais, est comment s'y attaquer», constate Patrick Legeron, psychiatre et directeur du cabinet Stimulus.

En parallèle sortait le même mois un rapport sur le bien-être et l'efficacité au travail. Ses dix propositions, frappées au coin du bon sens, ont eu quelques retentissements: «La santé des salariés est d'abord l'affaire des managers, elle ne s'externalise pas», «l'implication de la direction générale et de son conseil d'administration sont indispensables»… Et sont tombées à point nommé, au moment où les entreprises cherchaient des axes d'actions.

Pour le concret, il a fallu attendre le 5 juillet, jour où Stéphane Richard, le président de France Télécom, annonçait devant 1 000 managers, dans le cadre de son plan stratégique pour les cinq prochaines années, qu'il allait «remettre l'humain au cœur de l'action du groupe». Avec des mesures phares: 10 000 recrutements sur la période 2010-2012, des mesures de mobilité s'appuyant uniquement sur le volontariat, plus d'autonomie accordée aux managers, moins d'objectifs («trop nombreux et parfois contradictoires») pour les salariés. «Jusqu'ici, France Télécom avait beaucoup trop individualisé les missions de ses salariés en termes de responsabilités etd'objectifs, juge Patrick Legeron. Alors que le collectif de travail est très important, c'est bien quand il y a un mélange d'objectifs d'équipes et individuels.»

Pas encore de ralentissement du suicide

Pour autant, est-ce que 2010 a été décisive dans la gestion du stress? Déjà, elle a été fructueuse pour les psys! «On a une grande demande des entreprises sur le thème: “Evitez-nous les suicides. Et ses conséquences médiatiques et syndicales», explique Ariane Bilheran, psychologue clinicienne, directrice de la société Sémiode et auteur du livre Le Suicide en entreprise.

A ce jour, selon cette experte du stress, il n'y a pas eu de ralentissement des phénomènes de suicides car les salariés sont encore soumis à un sentiment d'insécurité puissant, en particulier dans les anciennes entreprises publiques. «Ces sociétés subissent davantage cette vague de suicides car, avant, elles assuraient un emploi à vie, des augmentations à l'ancienneté… Le contrat avec le salarié a été modifié.» Pour les employés des sociétés privées et mondialisées, le choc a été moins violent. 

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