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Plans senior, aide à l’embauche…, le gouvernement multiplie les incitations à recruter des plus de 50 ans. Dans les agences, le message ne passe désespérément pas.

Les seniors dans les agences de publicité? Ils sont dans toutes les têtes, mais invisibles dans les open spaces. Vont-ils gagner en visibilité avec l'allongement de la durée du travail et le report de l'âge légal de départ à la retraite? Il y a peu de chances. «Les 50 ans et plus sont les destinataires de la plupart des spots, mais n'en sont jamais les concepteurs, lesquels ont la plupart du temps moins de 35 ans», souligne Jérôme Piérard, directeur du cabinet de chasse de têtes Dream Search. Croiser un créatif âgé de cinquante-huit ans ou un chef de pub de soixante-deux ans à la machine à café relève du miracle. Du temps où il était publicitaire chez DP Industrie (devenu Saatchi & Saatchi), Jérôme Piérard a bien assisté au pot de départ à la retraite d'un chef de pub de 60 ans qui terminait sa carrière, mais c'était dans les années 1980…

En France, le taux d'emploi des 55-64 ans reste très bas: 38,3% en 2008, selon l'Insee, contre 47,4% en moyenne dans l'Union européenne. L'Association des agences-conseils en communication (AACC) ne dispose pas de statistiques sur son secteur. Il faut dire que dans les agences, comme dans les cabinets de conseil, la séniorité s'acquiert à toute vitesse, après deux à trois années d'expérience. Du coup, à quarante ans, on n'est plus senior mais considéré comme périmé. La seule planche de salut consiste à accéder à des fonctions de direction. Sinon, la porte de l'entreprise n'est jamais loin… Pour les plus de cinquante ans, la situation est encore plus épineuse: seuls les annonceurs sont plus «senior friendly», à condition de ne pas faire de vagues. «Un de mes amis, directeur de la communication, aujourd'hui sexagénaire, reconnaît qu'entre 50 et 60 ans, il n'a pas pris d'initiative, s'est fait tout petit, relate Jérôme Piérard. Il a juste tenté de sauver sa peau et, malgré ça, il s'est retrouvé deux fois au chômage.»

Lente évolution des mentalités

Les mesures adoptées par le gouvernement vont-elles changer la situation? Les entreprises de plus de cinquante salariés devaient adopter, au premier trimestre 2010, un «plan senior» (recrutement, formation des salariés âgés, etc.). Problème, il ne s'agit pour l'instant que de déclaration d'intentions. Pour les inciter à aller plus loin, le gouvernement vient d'instaurer, dans le cadre de la loi réformant les retraites, une aide à l'embauche pour les entreprises intégrant un chômeur âgé de plus de 55 ans en CDI ou en CDD d'au moins six mois. Elles toucheront pendant un an une subvention égale à 14% du salaire.

Ces deux dispositifs feront-ils évoluer les mentalités? Rien n'est sûr. «La courbe d'attractivité des salariés reste encore au maximum entre 30 et 40 ans, constate Sylvain Grevedon, directeur au sein du cabinet Mercuri Urval, qui vient de dresser un bilan sur les plans seniors. Il n'y a que pour des postes de directeur marketing ou communication que le fait d'avoir plus de quarante ans n'est pas un problème.»

La révolution sera donc lente. A fortiori dans la publicité, où le jeunisme fait rage. La seule éclaircie semble venir de l'intérim et des missions. Car si les entreprises freinent des quatre fers quand il s'agit d'intégrer des quinquagénaires en CDI, elles ne rechignent pas à faire temporairement appel à leur expertise. D'ailleurs, le Prisme, syndicat des professionnels de l'intérim, vient de lancer une campagne incitant ses membres à placer plus de seniors. «Les agences n'hésitent pas à prendre un directeur de création senior, à forte valeur ajoutée, dans le cadre d'une compétition», précise Perrine Grua, directrice générale du cabinet Aquent. Signe que le procès qui est fait aux tempes grisonnantes ne porte plus sur leurs compétences. «Jusqu'à il y a cinq ans, les seniors étaient stigmatisés car les employeurs leur reprochaient d'être dépassés par les nouvelles technologies. Ce n'est plus le cas», se félicite Sophie Gauss, directrice de Publirelais. Si les agences renâclent à les intégrer dans leurs effectifs, c'est pour la même raison que celle qui les pousse à prendre des stagiaires plutôt que des juniors en CDI: leur coût.

Preuve que ces problématiques se rejoignent, un client de Sophie Gauss vient de lui demander de lui trouver un «stagiaire senior». Un nouveau concept: toutes les compétences d'un senior pour le prix d'un stagiaire…

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