Teleperformance, leader français et mondial, a annoncé début juillet qu’il allait rayer de la carte 8 centres d’appels sur les 22 qui lui restent. La profession s'inquiète: serait-ce le prélude de fermetures en cascades et d’une accélération des délocalisations? Déjà propriétaire de 4 sites en Tunisie, le groupe ouvre en effet un nouveau centre au Maroc. Le tollé a conduit la direction de l’entreprise à revoir son plan à la baisse: 689 suppressions de postes au lieu de 834. En revanche, le nombre de centres supprimés ne bouge pas.
Selon Pascal Morvan, directeur général de Teleperformance France, «il s’agit de rationaliser l’outil de production. La filiale française, qui compte plus de 7000 salariés, s’est constituée en multipliant les rachats, précise-t-il. Résultat, nous disposons de centres de tailles très différentes, allant de 25 à 1 000 personnes. Cet ensemble très disparate a assez mal résisté à la crise et à la chute de 20% de notre volume d’activité.»
L’analyse de Nadine Capdeboscq, secrétaire nationale CFDT de la fédération F3C (conseil, communication, culture), est plus directe: «Teleperformance a racheté des entreprises pour étouffer la concurrence, quitte à récupérer des petits centres d’appels peu rentables.» La nécessité de rationaliser un outil de production construit de bric et de broc est donc réelle. Désormais, l’entreprise s’appuiera donc sur 14 centres de grande taille, comptant au moins 300 employés.
Améliorer le volet social
Cette restructuration d’envergure n'est pas le prélude à une délocalisation en Afrique du Nord, jure son dirigeant: «D’ailleurs, les coups de fil traités dans les centres fermés vont être redirigés vers d’autres sites français. Et nous nous apprêtons à resigner des baux de location pour 9 ans. Nous entendons rester durablement ici.» Même son de cloche rassurant au Syndicat des professionnels des centres de contacts (SP2C). Selon Mathieu Labbé, chargé de mission, «la filière relation clients a créé 10000 emplois en France en 2009, et le solde devrait être à nouveau positif en 2010. Entre 2009 et 2010, la répartition de l’activité entre l’off-shore et la France stagne à 20% contre 80%», note-t-il. Car si des centres ferment, d'autres se créent dans des bassins d’emploi sinistrés (lire l'encadré).
«Je ne crois pas que les centres d’appels n’aient pas d’avenir en France. Ils traitent de plus en plus d’informations qualifiées: dépannage informatique, première approche médicale, information juridique, etc.», constate la syndicaliste Nadine Capdeboscq (CFDT).Le «made in France»est aussiprisé pour lesnégociations commerciales, la rédaction d'actes de vente ou du recouvrement.
Reste un sacré défi: améliorer les conditions de travail des salariés. L’entreprise est la seule du secteur à ne pas disposer du label de responsabilité sociale, perdu il y a quelques années. La situation est toujours explosive:«Les entretiens disciplinaires se multiplient, aboutissant à un grand nombre de licenciements pour faute»,pointe Sonia Porot, déléguée syndicale centrale CGT.
Pour obtenir à nouveau le précieux sceau, Teleperformance devra faire des efforts sur le taux de rotation du personnel, les rémunérations et la liberté syndicale. «En plein plan social, ce n’est pas le moment de revendiquer le label, reconnaît Pascal Morvan. Je crois à un engagement sur le long terme. Concentrer les salariés dans des centres plus grands et améliorer l’immobilier est déjà un premier pas.»
L’appel des bassins d’emploi sinistrés
À l'instar des pays du Maghreb ou de l'Asie, les bassins d’emploi sinistrés français sont bien présents dans la compétition mondiale. Acticall vient ainsi d’ouvrir un centre à Toul (Meurthe-et-Moselle) sur le site d’une ancienne usine Michelin. Et un autre à Saint-Étienne (Loire). «Il y a beaucoup d’avantages à s’installer dans des régions sinistrées: subventions à l’installation, loyers moins élevés, aides à la formation, turn-over moindre», explique-t-on au SP2C.