Femmes managers
Neuvième volet de la série sur le management au féminin avec la directrice de la rédaction du Monde.

Première femme à la tête de la rédaction du Monde, Sylvie Kauffmann est une rareté dans la presse quotidienne. Et l'unique exception au sein du quotidien du soir. Jusqu'à Alain Frachon, son prédécesseur, les rênes de la rédaction du journal ont toujours été tenus par un homme, de 1944 (date de la fondation du titre) à 2009. Pour autant, après vingt ans de carrière au Monde, la nomination de Sylvie Kauffmann, en janvier, n'était pas une surprise. «Son nom circulait depuis quelques années pour ce poste», note Sophie Gherardi, ancienne rédactrice en chef adjointe du Monde. Jouissant d'une réputation de grand reporter, de Moscou à Washington en passant par New York et l'Asie du Sud-Est, «elle a le culte de l'information et une très haute exigence», reconnaît Sophie Gherardi.

Lorsqu'on lui a proposé son actuel et prestigieux poste, Sylvie Kauffmann se rappelle ne pas avoir sauté de joie. «J'ai dit oui davantage par devoir que par envie», confesse-t-elle, consciente du poids de la responsabilité. Et d'ajouter: «Le goût du défi intellectuel et journalistique m'intéressait. Directrice de la rédaction, c'est à la fois diriger une équipe et un journal. Mais la matière est toujours journalistique.»

Une réticence qui n'est pas étrangère à son premier passage à la rédaction en chef du Monde, il y a six ans. Rédactrice en chef adjointe, Sylvie Kauffmann était alors la seule femme dans une équipe de quatre hommes. Un souvenir encore vif: «À l'époque, j'avais dit à Jean-Marie Colombani qu'une femme c'était bien, mais pas suffisant pour changer les choses», se rappelle-t-elle.

Prime à l'excellence

«Les  hommes sont souvent dans l'autorité et la confrontation. Une femme seule peut difficilement modifier ce rapport de force et imposer la voie de la négociation. Et, finalement, nous répondons aussi par la force lorsqu'on nous l'impose, constate-elle. Je me suis rendu compte alors qu'il n'était pas uniquement question de “plafond de verre” et que beaucoup hésitaient à gravir les échelons lorsqu'elles voyaient le pugilat qu'elles auraient à affronter.»

Venue d'un «Monde» d'hommes, la directrice de la rédaction apprécie aujourd'hui la mixité de la rédaction. «L'ambiance a changé. Il y a désormais beaucoup de femmes chefs de service, et cela a amélioré l'atmosphère», estime-t-elle. Derrière une certaine fragilité, cette fille de médecin militaire affirme cependant un style de management basé sur l'excellence. «Le doute est une valeur journalistique fondamentale. C'est le principe de la contre-enquête du Monde. En revanche, en management vous ne pouvez pas douter.»

Fustigeant la mauvaise foi et le manque d'ouverture d'esprit dans l'exercice du journalisme, «elle peut être dure», reconnaît Sophie Gherardi. Lors de son arrivée, son tranchant avait d'ailleurs été un sujet d'inquiétude pour certains journalistes. Mais tact et politique sont aussi au rendez-vous chez cette femme de diplomate, correspondante pour l'Asie du Sud-Est à Singapour quand son époux y était ambassadeur de France. «J'essaie toujours d'amener les gens à être les plus créatifs possible. Je ne veux pas créer pour eux, ce n'est pas dans mon caractère», conclut-elle. Un Monde pour tous, en somme.

 

Son parcours en bref

30 octobre 1955. Naissance à Marseille.
1979. Diplômée du Centre de formation des journalistes.
1979-1980. Journaliste au desk France de l'AFP.
1980-1988. Correspondante pour l'AFP à Londres, Varsovie, Nouméa et Moscou.
1988-1993. Journaliste spécialiste de l'Europe de l'Est au Monde.
1993-2001. Correspondante à Washington, puis à New York.
2003-2004. Rédactrice en chef adjointe, responsable des grands reporters du Monde.
2004-2006. Directrice adjointe de la rédaction du Monde.
2006-2009. Grand reporter en Asie du Sud-Est.

18 janvier 2010. Directrice de la rédaction.
 

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