Voilà typiquement un titre qui pourrait être utilisé dans ces contenus issus des sites de «curation»: provoc, catastrophiste, pas très informatif… Il y a peu, Minute Buzz m'informait qu'une Anglaise sur deux ne savait pas où était son vagin… Un spot audio s'est ensuite déclenché sur mon Mac, sans me demander mon avis, et sans que je puisse l'arrêter, sauf en fermant complètement le navigateur. Inélégant au possible! Encore de la pub cachée!
Si l'on résume les dix années écoulées, nous avons d'abord vécu une période faste pour les régies où l'espace publicitaire était rare, donc cher. Puis l'explosion du digital a créé de la place pour tout le monde et nous nous sommes tous mis à déverser des flots de bannières et de carrés partout. Y compris à travers ces opérations spéciales qui envahissaient les pages d'accueil. Trois choses baissaient, ce faisant: les prix de l'espace (moins de rareté), notre attention (face à cette saturation de nos capteurs visuels) et la capacité à toucher les cibles visées (dispersées dans un paysage flou à force d'être foisonnant). De surcroît, le «search» se fait de plus en plus sur les smartphones, qui restreignent l'espace d'affichage.
L'écosystème de la pub digitale a essayé de régler tout cela. D'abord avec le RTB, je peux viser: précis, implacable. J'achète une audience, pas de l'espace au kilo. Je connais la marque de brosse à dents du client, j'ai des cookies, des DMP… enfin bientôt. Mieux encore: si je m'appelle Criteo et que ledit client a voulu un jour acheter un canapé rouge, il ne verra plus que des pubs pour sièges écarlates, partout, tout le temps. Si je m'appelle Google, je sais tout ce que cherche l'internaute. Et si je m'appelle Amazon, tout ce qu'il achète ou a cherché à acheter.
La seule chose que cela ne règle pas, c'est notre saturation de spectateur, d'auditeur, cette «infobésité» galopante qui roue de coups le bêta de mémorisation, lamine les taux de conversion et fait baisser la rentabilité des investissements. Alors est venu le «native advertising».
Dans l'antique presse papier, nous l'aurions appelé du publireportage, ou du sponsoring de rubrique… surtout pas de la pub. Il répond cependant à une vraie logique: puisque j'ai du mal à me faire entendre dans la cacophonie ambiante, autant «choper» l'internaute quand il vogue dans des contenus qui mobilisent sa curiosité. Si je m'arrange pour «coller au contenu», je le trouverai dans un état d'esprit plus ouvert.
Mais cela sous-entend d'avoir du contenu et du contexte où s'afficher. Cela tombe bien, internet est à l'ère du contenu roi. Des sites comme Upworthy connaissent des croissances d'audience à faire pâlir Facebook: un bon algorithme pour traquer ce que les gens cherchent le plus dans Google, une orientation inspirationnelle (ou trash), un visuel et un titre accrocheur. Ces sites vont même jusqu'à acheter du Facebook pour tester en live 5, 10, 20 titres différents, pour conserver le plus de «pompes à clics». Quant à la presse classique reconvertie en média web, elle peine à monétiser des contenus pléthoriques et s'ingénie à séduire les annonceurs à coup de formats codéveloppés.
Le système présente d'indéniables avantages. Il permet de lutter contre le manque de place qui devient endémique dans le surf mobile. La pub est dedans, pas à côté. Un gain précieux quand on sait que Mary Meeker a prédit que nos petits écrans rapporteraient cinq fois moins en valeur que les grands. Un gain certain, aussi, sur l'attention de l'internaute. Si je lui propose des sextoys dans l'article évoqué plus haut, je suis dans le «mood» du lecteur… probablement.
Nous pouvons également glisser dans les bons contenus des pubs moins «pubardes», de l'influence. Très utile pour gérer de la réputation en ligne sans avoir l'air d'y toucher. Enfin, tout cela crée une importante quantité de contenus qui fait remonter les sites dans les moteurs. Google chasse les escrocs du lien, mais favorise les fermes de contenus thématisées.
Seul vrai problème: trouver ou créer du contenu génial tout le temps et sur tout. Le contenu des «timelines» Facebook et des fils Twitter s'est très vite galvaudé, comme celui des «digglikes» et des sites de journalisme citoyen avant lui. C'est aussi la Nemesis ultime de ces sites de contenus de masse.
A tel point que Facebook a décidé d'introduire dans ses algorithmes un filtre qui analyse le temps passé par l'internaute sur les articles diffusés dans ses pages, pour lutter contre ce «clickbaiting» sauvage. Si le lecteur consacre très peu de temps à la lecture de l'article, c'est que ce dernier est déceptif. Exit les contenus médiocres.
Ceci devrait forcer les marques à proposer du brand content de qualité et limiter la durée de vie des réceptacles bas de gamme. Par ailleurs, des formats «No pub» ont plus de chance de passer la barrière des «adblockers». Bref, c'est comme si de la pub qui ne serait pas de la pub venait sauver la pub de la crise du logement!