Tribune
Tribune de Michel Hébert, auteur de "Marketing de l'adaptation. Le bricolage de la pensée".

J'ai pu le constater dans plusieurs conférences récentes, «adaptation» et «planification» sont deux mots qui ont du mal à vivre ensemble. De fait, la planification a été inventée pour répondre à des environnements qu'on imaginait comme offrant la croissance et la stabilité. C'était sans compter sur le fait que les situations économiques (celles des marchés) pouvaient devenir totalement instables et imprévisibles.

Dès lors, la planification devient un ennemi à éviter car elle ne peut que ralentir l'adaptation qui, par définition, est une suite de situations changeantes. La planification apporte de la logique, une forme de prospective dans un univers instable qui ne peut être combattu que par l'imagination, l'innovation, la créativité, en d'autres termes l'intuition, l'opportunisme, le courage, l'initiative rapide.

Force est de constater que la planification est un acte de réflexion entièrement tourné vers l'entreprise, alors que l'adaptation est entièrement tournée vers l'imagination permanente. Au final, la planification nous fait regarder à l'intérieur de l'entreprise alors que l'adaptation nous emmène à l'extérieur de l'entreprise.

Depuis cinquante ans, les gestionnaires ont pris la tête de bon nombre d'entreprises, pour planifier, contrôler, organiser. On connaît le résultat. Pour faire croître l'entreprise, combattre les défis de l'imprévisible, et donc de l'adaptation, il faut que le mot «entrepreneur» devienne central dans l'entreprise. Les entreprises ont besoin d'un état d'esprit d'entrepreneur. Qu'est-ce que cela veut dire?

L'entrepreneur connaît l'étage inferieur, celui du client, là où le lien se fait entre l'entreprise, le produit et celui qui l'achète. Il est une sorte de «front line manager» qui voit les choses depuis le terrain et est à même de résoudre les problèmes ou de saisir les bonnes opportunités pour s'adapter. Il pense action en priorité et stratégie ensuite, et c'est là sa force dans le contexte que nous vivons. Faire en sorte que l'action débouche sur une nouvelle stratégie.

Nous sommes en train de vivre ce paradoxe, car nous sommes contraints désormais de penser vite, décider vite, exécuter vite. Ces trois verbes sont liés et même indissociables; donc il faut penser «en même temps» action et stratégie, et ne pas envisager pour autant que la stratégie est pour autant définitive. Chaque événement de marché nous oblige à tout repenser, action et stratégie, dans le même temps et non l'un après l'autre. La stratégie peut engendrer une action (rien de nouveau), mais une action peut faire penser à une stratégie.

Ikea n'avait pas une stratégie au départ, tout comme Apple. C'est l'action (l'innovation) dans les deux cas qui a aidé à dessiner une stratégie, un projet. Les dirigeants d'entreprise ayant une vraie mentalité d'entrepreneurs seront capables de s'adapter efficacement et de repenser action et stratégie en même temps… Bon sens oblige.

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