Trois leaders politiques, à droite et à gauche, souhaitent que leur parti change de nom. Chacun s'exprime, il y a les pour et les contre. Les pour en font une condition essentielle du renouvellement en profondeur à la fois de l'identité et de l'image de leur parti. Les contre ironisent: récemment sur BFMTV, Alain Juppé disait : «on peut aussi appeler ça le PMU à la place de l'UMP». Avant d'ajouter : «Si c'est ça le changement, ce ne sera pas tout à fait fondamental.»
1. La confiance des Français à l'égard des partis n'a jamais été aussi basse. 87% ne font pas confiance aux responsables politiques, selon le baromètre 2014 du Cevipof et du CNRS. «Nous atteignons des niveaux vertigineux que nous n'avons jamais connus», déclarait récemment Pascal Perrineau, directeur du centre de recherches de Sciences Po. Les noms des grands partis jouent-ils un rôle dans cette chute de confiance ? La question mérite d'être posée.
2. Il est de la responsabilité des dirigeants de construire et d'entretenir des contextes émotionnels favorables à l'optimisme. Or, renommer un parti peut créer un contexte émotionnel plus positif. Un nom fort, nouveau, qui rencontre les aspirations du public peut redonner de l'espoir. Le nom favorise l'engagement d'une dynamique d'action, de succès. Il propose un projet, un cap, une vision, inspire des valeurs, de l'élan. Contre les fatalités du moment («Nous allons dans le mur», «C'est la crise», «Rien ne va plus»...) qui nous minent, créer des noms, pour un parti, une entreprise, un produit stratégique, c'est favoriser la mise en projet, l'esprit d'entreprise et la confiance. Or Goethe écrivait: «Renaisse l'espérance, l'activité reprend aussitôt».
3. Les noms actuels des partis politiques se sont au moins partiellement vidés de leur sens et ne jouent plus leur rôle de bannière, aussi bien à droite qu'à gauche. La société a changé en profondeur, les valeurs, les rêves, les idéaux ont changé. Des changements de noms sont certainement nécessaires.
4. Un vrai changement de nom envoie toujours un signal puissant de changement. Symboliquement c'est un acte fort. Rappelez-vous les réactions quand Générale des eaux est devenu Vivendi, ou le CLF, Dexia. A contrario, dire qu'on change mais garder le même (vieux) nom, qui y croit?
5. Tout dépend évidemment du nouveau nom choisi. Disons-le clairement, remplacer Union par Rassemblement, un U par un R, n'enverrait aucun signal fort de changement. Si l'on change de nom, il faut abandonner le sigle, mode de nomination administratif, qui a vieilli. Les PTT ont donné naissance à La Poste en 1991, la DGT est devenu France Télécom en 1988 (puis Orange en 2013). Par ailleurs, il faut introduire du nouveau: quels sont les concepts, les idées à mettre en avant ? Quelles sont les racines à abandonner ou au contraire à garder en les faisant évoluer?
6. Le changement de nom doit bien sûr s'accompagner d'autres changements, consistants, probants. Nom et projet doivent aller de pair. Qui serait dupe si seul le nom changeait?
7. Changer oui, mais comment? C'est là que le bât blesse. Pour réussir son changement de nom, un parti doit s'en donner les moyens, se doter d'une démarche, d'un outil. Créer un nom c'est un métier. Lancer un appel à propositions de la part des militants, ce n'est pas sérieux. Une recherche de nom réussie, c'est un cheminement, un processus, qui s'appuie sur l'écoute approfondie des besoins de la cible visée, et il faut respecter ses règles pour dégager un nom digne de ce nom. Or comme le disait Bruno Latour (1), les institutions françaises ne veulent pas ou ne savent pas écouter leurs publics, d'où le hiatus entre ces institutions et les attentes des Français aujourd'hui.