Les réseaux sociaux sont en pleine expansion. Leur popularité suppose du trafic (exprimer une opinion), mais surtout de l'interactivité (notamment en cliquant «j'aime»). D'après Facebook, plus de 3 milliards d'opinions ou de «j'aime» sont postés par jour.
L'expression d'une opinion postée sur Internet engage la responsabilité de son auteur en cas d'abus. La Cour de cassation a rappelé que sur Internet, les abus de la liberté d'expression (ci-après désignés «opinions abusives») ne peuvent être réprimés que par les infractions de presse (loi du 29 juillet 1881) et notamment la provocation aux crimes et délits, les délits contre la chose publique, les délits contre les personnes (diffamation et injure), les publications interdites et les immunités de la défense.
S'agissant des réseaux sociaux, les tribunaux français ont déjà été saisis de nombreux litiges concernant des opinions abusives. Plusieurs licenciements ont été validés lorsque des salariés avaient exprimé une opinion abusive à l'encontre de leur employeur, soit sur leur page Facebook, soit sur celle d'un tiers. Les litiges ne sont pas limités au droit du travail. En août 2013, une plainte a été déposée contre une page Facebook intitulée «adopteungitan.com» pour incitation à la haine raciale.
A coté du contentieux sur les opinions «postées», il est probable qu'un autre type de litige va se développer au sujet des «j'aime». L'internaute peut-il engager sa responsabilité en cliquant «j'aime» sur une opinion émise par un tiers? On rappellera que les réseaux sociaux sur Internet mettent plusieurs outils à la disposition des internautes pour permettre une interactivité vis-à-vis du contenu qui est «posté», et notamment les icônes «je transfère» ou «j'aime» pour Facebook, «je tweete» ou «je transfère» sur Linked In. La question est de savoir si le fait de cliquer «j'aime» constitue ou pas l'expression d'une opinion.
Une cour d'appel aux Etats-Unis (Richmond, en Virginie) vient de juger qu'un utilisateur de Facebook qui utilise la touche «j'aime» sur un site pour montrer son soutien à un candidat politique (qui se présentait contre son employeur au poste de shérif de la ville) exprime une opinion et bénéficie donc de ce fait de la protection de la liberté d'expression. En conséquence, il ne peut pas être sanctionné pour avoir cliqué «j'aime». La cour a donc reformé le jugement dont elle était saisie et qui avait affirmé que le fait de simplement cliquer «j'aime» une page Facebook était une opinion insuffisante pour mériter la protection constitutionnelle américaine. C'est notamment de l'examen des conditions d'utilisation de Facebook que la cour a déduit le principe qu'un clic «j'aime» est l'expression d'une opinion.
La même décision aurait été, très probablement, rendue aussi en France. Cependant, si la loi protège l'internaute qui clique «j'aime» à propos d'une opinion conforme à la liberté d'expression, qu'en serait il dans le cas d'un «j'aime» à propos d'une opinion abusive?
À notre connaissance, ce problème ne s'est pas encore posé devant les tribunaux français. Ce n'est manifestement qu'une question de temps. La société ne pourra probablement pas rester indifférente face à des manifestations d'approbation d'opinion ou d'actes eux-mêmes sanctionnables pénalement.
Il est donc probable que cliquer «j'aime» à propos d'une opinion qui constitue un crime ou un délit, qui fait une apologie interdite (des crimes et délits, crimes de guerre ou contre l'humanité, terrorisme, etc.) ou qui fait une incitation interdite (à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée) pourra exposer l'internaute à des poursuites pénales comme apologiste ou comme incitateur.
Ce type de contentieux sera probablement d'une grande complexité, notamment lorsqu'il s'agira de prouver l'intention de l'internaute. On peut en effet imaginer que l'internaute poursuivi pourra prétendre que ce n'était pas lui qui a cliqué ou qu'il a cliqué par erreur ou encore que son adhésion à la page n'était pas intégrale. Tout sera une question de contexte.
Dans ces conditions, on ne peut qu'inviter les internautes à la prudence et leur recommander d'aimer… avec certitude car il s'agit d'un acte grave! Reste à savoir jusqu'où le droit doit aller. Qu'en sera-t-il lorsque l'internaute aura simplement transféré une opinion abusive ou lorsqu'il l'aura retweetée?