Le 15 septembre 2008, la banque d'investissement américaine Lehman Brothers était déclarée en faillite, inaugurant la plus grave crise financière et économique depuis 1929. Cinq ans plus tard, quel regard portent les Européens sur cette déflagration?
Un sondage mené en France, Allemagne, Italie et Espagne par l'Ifop et publié dans le quotidien La Croix du 16 septembre montre que les Français sont autant voire plus pessimistes que leurs voisins du Sud quand on les interroge sur la situation actuelle. Pour 69% d'entre eux, «nous sommes en pleine crise», contre 68% en Italie, 66% en Espagne et seulement 37% en Allemagne. Des chiffres qui confirment à nouveau la tendance «dépressive» de nos compatriotes (Cf. étude «Les Européens et la sortie de crise» d'Ipsos/CGI pour Publicis d'avril dernier).
Plus des deux tiers des Français (68%) considèrent que la crise actuelle est «plus grave» que les précédentes. Un sentiment qui logiquement reste bien en deçà de celui des Italiens (83%) et des Espagnols (81%). Les Allemands, eux, étant plus mesurés: 33% jugent que la crise est plus grave que les précédentes. Ces derniers sont aussi les moins nombreux à se sentir toucher par la crise: 61% jugent en effet qu'elle affecte «peu ou pas du tout» leur vie personnelle. Ce n'est pas le cas évidemment des Espagnols et des Italiens qui sont respectivement 84% et 89% à estimer le contraire. Là encore, bien qu'objectivement moins touchés que leurs voisins du Sud, les Français sont tout de même 79% à penser de la sorte (67% en janvier 2013).
Montée de l'euroscepticisme
Dans ce contexte où l'inquiétude par rapport à la dette publique et à la crise de l'euro est constante et très élevée depuis deux ans en France (91%), nos compatriotes comme les autres Européens interrogés pensent que l'appartenance à l'Union européenne est «plutôt une bonne chose» pour leur pays: 57% en France, 56% en Allemagne, 55% en Italie et 63% en Espagne. Mais partout cette opinion est en baisse sensible: -7% en France et -6% en Allemagne en trois ans, -9% en Espagne à -17% en Italie en deux ans. «Ces deux derniers pays étaient pourtant historiquement les plus attachés à l'Europe», note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop, qui constate une montée tendancielle des eurosceptiques.
Autre indicateur inquiétant pour les partisans de l'Union, si seule une minorité d'Européens souhaite abandonner l'Euro, cette minorité ne cesse de grossir: 33% en France contre 26% en juin 2012 (au moment du pic de la crise de la zone euro), 43% en Allemagne (+4 points), 38% en Espagne (+13 points) et 35% en Italie (+7 points).
"Une tendance qui répond à des dynamiques d'opinion divergentes entre d'une part les pays du Sud, auxquels s'identifie la France, qui estiment que les efforts demandés sont démesurés, et l'Allemagne, qui ne veut plus payer pour les autres", analyse Jérôme Fourquet, qui voit là un problème de fond pour faire tenir à terme l'attelage européen et prévoit au passage un taux d'abstention record aux prochaines élections européennes. "Ce qui ne serait finalement pas une mauvaise nouvelle pour les partisans de l'Union", conclut-il.