84% des Français ressentent "à titre personnel" un "ras-le-bol" fiscal! Même massif, même écrasant, ce chiffre de l'institut CSA, publié dans Nice Matin, n'a pas de quoi étonner. Difficile de trouver, quelle que soit l'ampleur du prélèvement à acquitter, une majorité de concitoyens qui découvrirait de gaieté de cœur le montant de son impôt...
Pourtant, selon Yves-Marie Cann, directeur en charge des études d'opinion de CSA, cette exaspération de 2013 est de nature à alerter le gouvernement. D'abord par l'intensité de la contestation: 49% des 1 005 personnes interrogées par Internet, du 27 au 29 août 2013, déclarent ressentir "tout à fait" ce ras-le-bol, et 79% affirment constater que leurs impôts ont augmenté au cours des douze derniers mois, 38% allant même jusqu'à dire «beaucoup augmenté».
Ensuite, en raison de l'enjeu des municipales, en mars 2014, qui se profilent derrière la question fiscale. "Les impôts locaux sont le premier sujet de préoccupation dans la perspective de ces élections, avec 44% de réponses, devant la lutte contre la délinquance, qui suit avec 35%, relève Yves-Marie Cann. En 2008, ils n'arrivaient qu'en quatrième position."
Signe que, même si l'insécurité reste un sujet d'inquiétude, la ponction fiscale et la perte de pouvoir d'achat sont étroitement liés dans l'esprit des Français. D'ailleurs, les ouvriers (57%) et les retraités (52%) sont plus enclins à éprouver "tout à fait" un ras-le-bol fiscal que les cadres et professions libérales (45%).
Si la grogne dépasse les clivages politiques traditionnels, elle est plus marquée à droite (94%) qu'à gauche (70%). A noter: les sympathisants du Front national sont "76%" à ressentir "tout à fait" le fameux ras-le-bol en lisant leur feuille d'impôts (93% au total).
L'ampleur de la protestation n'a pas échappé à l'exécutif. Le 20 août, le ministre des Finances Pierre Moscovici s'est dit très sensible au "ras-le-bol fiscal" ressenti par ses concitoyens. Le 15 septembre, sur TF1, c'est au tour de François Hollande de marteler l'idée d'une pause fiscale en 2014 ("c'est beaucoup, donc ça devient trop"). Au prix de quelques contorsions: certes, il y aura une baisse du plafond du quotient familial, a-t-il dit, et la TVA sera bien portée de 19,6% à 20%, mais on sera loin des 21,2% prévu par Nicolas Sarkozy.
"Le mensonge fiscal continue", accuse, dans Libération, l'économiste Thomas Piketty, qui rappelle que cet impôt honni par la gauche car injuste, n'avait pas été augmenté avant l'élection de Sarkozy et que le candidat Hollande s'était opposé à sa hausse.
Alors, "le ras-le-bol fiscal de Hollande", comme titre Le Parisien? "Il fonctionne à front renversé, observe Yves-Marie Cann, d'habitude c'est l'opposition qui met le doigt là où ça fait mal". Il est vrai que 86% des interviewés par CSA refusent de payer davantage d'impôts pour contribuer au redressement des comptes publics. Les Français demandent désormais plutôt la baisse des dépenses de l'Etat... tout en sanctuarisant les plus importantes (éducation nationale, santé...).