S'il y a bien un atavisme indécrottable dans l'univers de la communication, c'est celui de propulser le jargon au rang d'une arme de conviction massive. (Mais pas une semaine ne se passe sans que l'on annonce la mort d'un d'entre eux !) Le jargon dans l'air du temps permet à certains d'imposer l'idée d'une forme quasi-scientifique du marketing. En s'abritant derrière des termes souvent bien plus riches de sens que leur «placement conversationnel», ils s'assurent ainsi une expression d'un haut niveau de qualification, censée désarmer le client incrédule.

Avec le digital et le Web social, l'appréhension d'un monde complexe a produit sa flopée de concepts, qui se diffusent comme jamais, se partagent à l'infini, à la vitesse du tweet. Tout concept de valeur trouve donc un écho sans mesure pour acquérir le statut de «buzz word», ce qui sied bien à notre ère peuplée de tchats influents.

Rien ne change, donc: les concepts probants sont souvent détournés de leur sens initial, simplifiés, associés à d'autres pour un charabia ultime. On qualifiera ainsi abusivement de transmédia de simples campagnes en et hors ligne ne relevant d'aucune démarche narrative scénarisée. Mais ces dérives sont moins exaspérantes que ce phénomène en expansion: la criminologie conceptuelle. Autant il est nécessaire de mettre à jour son Wiktionnaire de communicant, autant il apparaît à d'autres l'impérieuse nécessité de se distinguer en prenant un temps d'avance. La stratégie est simple: devenir un «word killer».

Pour parvenir à ce stade de criminalité verbale, deux techniques se développent sur Internet. Primo, l'attaque chirurgicale: approche insidieuse consistant en une violente greffe orthographique. Ainsi, le «storytelling» s'imposant comme une notion majeure dans un paysage où le contenu est roi… L'actualité de cet été a montré qu'il était urgent de le remplacer par le «storymaking», le «storywhyspering», l'«emotionnal writing»… Secundo, le massacre rituel: les détournements verbaux ne seraient guère condamnables en soi s'ils ne s'accompagnaient d'une ferveur sacrificielle. Le premier à tuer un mot sur l'autel de la modernité pense ainsi récupérer toute l'énergie du défunt verbatim. On pourrait donc aujourd'hui annoncer la mort du brand content, alors qu'en réalité il modifie jusqu'au paysage des médias et du journalisme.

Que ce soit bien clair: que l'on zigouille le storytelling, que l'on balance à la flotte le solomo [Social lococal mobile], que l'on euthanasie le transmédia, que l'on mette le feu à la «social TV» (oui, ça va vite arriver…), il est temps de sortir de notre indifférence apitoyée pour réagir à notre tour! A tous les «serial buzzers» qui trépignent devant l'avènement du Web 3.0, disons fermement: cultivons nos concepts au lieu de les enterrer. Créons le «buzz» avec des idées, de la matière à penser et inventer, pas avec des coups de pub!

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