On se souvient que plusieurs participants à L'Ile de la tentation avaient obtenu en 2009 une retentissante décision de la Cour de cassation leur accordant le statut de salarié. Voilà l'émission à nouveau en vedette à l'occasion d'un nouvel arrêt du 24 avril 2013, cette fois sur la question de savoir si les participants ne seraient pas également artistes-interprètes.

L'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2009 qui avait reconnu aux «tentateurs» le statut de salarié avait fait grand bruit, même s'il reprenait un principe classique. Schématiquement, la Cour rappelait en effet que le statut de salarié ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties mais de la situation réelle. En l'occurrence, la Cour relevait que les participants étaient dans l'obligation de suivre les directives de la production, notamment quant aux activités ou aux horaires, et se trouvaient donc dans une situation de subordination ayant pour finalité la production d'une valeur économique, caractéristique des relations de travail.

L'impact fut déjà considérable dans le petit monde de l'audiovisuel, très enthousiaste pour ce genre à l'époque, qui devait donc en assumer le risque financier et prévoir séance tenante des contrats de travail pour les futures émissions. Comme il fallait s'y attendre, de multiples autres participants à divers programmes de télé-réalité ont ainsi tenté leur chance, avec un certain succès.

 

Une prestation de comédien ?

Outre la question du travail réalisé, s'est alors posé un autre problème, celui de la nature de ce travail dans un contexte où certaines scènes étaient répétées et où la production attendait, semble-t-il, que les participants expriment des émotions. Les participants réalisaient-ils une prestation de comédien, c'est-à-dire juridiquement d'artiste-interprète? L'enjeu est de taille car le statut d'artiste-interprète donne droit évidemment à des rémunérations supplémentaires.

L'article L.212-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'artiste-interprète est celui qui «représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes».
La question était donc de savoir s'ils pouvaient, dans le cadre de cette émission, être considérés comme des acteurs (on exclut le cirque et les marionnettes, quoique...). D'aucuns diront que la réponse est assez évidente, rien qu'en les regardant évoluer.

La Cour de cassation est moins cassante mais tout de même abrupte dans son arrêt du 24 avril 2013: «Les participants à l'émission en cause n'avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu'il ne leur était demandé que d'être eux-mêmes et d'exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d'acteurs; qu'ayant ainsi fait ressortir que leur prestation n'impliquait aucune interprétation, elle a décidé à bon droit que la qualité d'artiste-interprète ne pouvait leur être reconnue.»

On notera que, comme en droit d'auteur, jamais la Cour ne prend en compte la qualité ou le mérite de la prestation en question mais seulement sa nature. Le débat n'est pourtant pas incongru et la réponse peut encore évoluer: la part d'improvisation, l'existence d'un cadre plus ou moins scénarisé et l'édification de «personnages» proches de la fiction pourraient conduire à réévaluer, en fonction des situations et des émissions, la qualification d'artiste-interprète.

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