Jean-Marc Ayrault n'a pas oublié son combi Volkswagen d'une valeur de 1000 euros, Manuel Valls les tableaux de son père Xavier, Stéphane Le Foll sa Renault Clio à «zéro euro», Christiane Taubira ses trois vélos pour 900 euros et Najat Vallaud-Belkacem son scooter à 500 euros... Avec la déclaration du patrimoine des ministres, l'ange - plutôt que le diable - se loge dans les détails.
Fruit d'une volonté de l'exécutif de reprendre la main après l'affaire Cahuzac qui menaçait de l'éclabousser, l'opération relève d'une communication qu'il espère maîtrisée. «La démocratie paparazzi, ce n'est pas mon truc», déplore le 16 avril dans Libération Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale. «Le strip-tease de la République», titre Le Figaro, reprenant l'antienne de nombreuses voix à l'UMP.
Pourtant, comme le note Le Monde du 17 avril, cette publication qui semble gêner les élus révèle le visage d'un gouvernement «normal», avec huit ministres millionnaires et «des jeunes ministres en dessous du patrimoine moyen de leur âge».
Peu de confiance dans les hommes politiques
D'après un sondage Ifop paru le 14 avril dans le JDD, les Français sont loin de désapprouver cette initiative qui assure la publicité du patrimoine des ministres et des parlementaires. 63% estiment que c'est «une mesure nécessaire pour garantir la transparence dans une démocratie moderne». Mieux, elle permet de toucher une population encline à entonner le refrain du «tous pourris».
Un sondage LH2 pour le Nouvel Observateur, publié le 15 avril, ne montre-t-il pas que 70% des Français n'ont pas confiance dans les politiques, notamment ceux d'extrême droite? «La mesure est majoritaire surtout chez des gens qui présentent un lien lâche avec la politique comme les jeunes ou les catégories populaires», note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Même les sympathisants UMP sont 49% à la juger nécessaire.
Un précédent sondage Ifop, publié les 4 et 5 avril, montrait d'ailleurs que 76% étaient favorables à «la publication automatique des déclarations de patrimoine des ministres, sénateurs et députés». «Sans le moindre clivage droite-gauche», précise Frédéric Dabi.
Le risque semble minime: 70% de Français seraient indifférents au patrimoine élevé d'un ministre, selon l'Ifop. Sauf en cas de remise en cause médiatique des données, l'opération peut donc se révéler payante pour François Hollande et son projet de loi de moralisation de la vie publique.
«Mais la politique de moralisation a un effet limité sur l'opinion, prévient Frédéric Dabi. Le président parle au personnel politique mais ne s'adresse pas aux Français qui ont, eux, des attentes sur la situation économique et sociale.»
En outre, comme le signale BVA, une telle politique est considérée comme inefficace pour mettre fin aux paradis fiscaux (à 80%), réduire la fraude fiscale (66%), empêcher des affaires du type Cahuzac (66%) ou assurer la transparence de la République (57%). D'où l'annonce d'un renforcement des contrôles, via une future Haute autorité, et de mesures de prévention des conflits d'intérêt.