Une dizaine de jours d'un débat parlementaire passionné [au sujet du mariage pour tous] ont définitivement inscrit Twitter dans le paysage politique français. Plus de la moitié des 577 députés français ont un compte Twitter, moins que les membres du Congrès américain, certes, mais avancée majeure dans l'adoption massive d'un nouvel outil de communication personnelle.
Pourquoi cette passion soudaine? Twitter, le grand public l'a découvert en mai 2011 avec l'affaire DSK, essentiellement par le truchement des médias traditionnels, qui y ont trouvé une source d'informations. De la primaire du PS à la présidentielle, le réseau de microblogging a alimenté les chaînes d'information en continu. Point culminant atteint le 12 juin 2012 avec «LE» tweet de Valérie Trierweiler apportant son soutien au rival de Ségolène Royal, Olivier Falorni [élection législative, 1re circonsciption de Charente-Maritime]. Le fait le plus fascinant est que l'AFP, ce jour-là, n'est intervenue a posteriori que pour valider l'information émise par la compagne de François Hollande. Twitter a été adoubé officiellement à cet instant fil d'information en continu.
Twitter est devenu, de fait, une source d'information pour l'utilisateur lambda, un quasi-média qui se joue des usages et des règles communément admises. Le Code électoral spécifiait qu'aucune tendance, aucun résultat de sondage à la sortie des bureaux de vote ne pouvait être communiqué avant la fermeture du dernier bureau à 20 heures le soir de l'élection. Twitter, avec le désormais fameux hashtag #radiolondres, s'est joué de cette règle. Les utilisateurs du réseau ont pu impunément communiquer des estimations, sur un mode ludique. Il est évident que les prochains scrutins devront intégrer ce phénomène et que le Code électoral devra être modifié en conséquence.
Il est intéressant de constater que les politiques, qu'ils aient un mandat local ou national, se sont rués sur Twitter, comprenant l'intérêt que l'outil représentait pour leur stratégie de communication personnelle. L'accès aux médias traditionnels étant codifié, Twitter permet d'émettre directement un message, sans intermédiation, pour peu que l'on compte dans ses «followers» des relais d'information efficaces, qu'ils soient militants ou journalistes. Et que la relation construite avec eux soit de qualité.
La courbe d'apprentissage est différente d'un utilisateur à l'autre. Le tweet est un art. C'est l'exercice d'une écriture sous contrainte qui amène utilisateur à polir ses arguments en 140 caractères. Il faut trouver les mots et le ton qui permettent d'attirer l'attention sur soi. Un compte Twitter est le reflet de la personnalité de son utilisateur ou du moins de l'image qu'il cherche à projeter. Cela ne s'improvise pas.
C'est d'ailleurs pour cela que les stars de Twitter ne sont pas toujours les ténors de la politique. Pendant la présidentielle, ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande ne faisaient le «show» sur Twitter, malgré leurs centaines de milliers de «followers». L'attention s'est focalisée sur ceux qui avaient le sens de la formule, les «clasheurs», les grandes gueules ou ceux capables de faire preuve d'un humour décoiffant, comme Jean-Luc Mélenchon, Cécile Duflot, Nadine Morano, Eric Besson ou Lionel Tardy.
On a accusé Twitter d'être politiquement partisan, de gauche, oubliant au passage qu'il n'était qu'un outil. C'est le principal constat et peut-être la seule donnée à garder constamment à l'esprit. Twitter, comme Internet, n'est que ce que ses utilisateurs en font. Chacun peut modeler sa «timeline» comme il l'entend. Twitter n'a pas eu d'impact sur le résultat, ni de la présidentielle, ni des législatives, ni sur l'issue du débat à propos du mariage pour tous.
En revanche, il a démontré sa capacité à devenir une aide précieuse pour les militants. Twitter est un outil de mobilisation, qui permet de galvaniser les troupes, de roder les argumentaires, de propager des messages fédérateurs.
Twitter a semé le trouble à l'Assemblée nationale quand, tout à coup, les députes, dont finalement le public connait mal le travail quotidien, ont dévoilé ce qui pouvait ressembler à une agora animée où l'on s'invective, où l'on en vient parfois quasiment aux mains, où l'on débat de façon parfois très musclée, et où les lois de la République sont façonnées. La vertu de cette surexposition du travail des parlementaires a permis indéniablement d'attirer l'attention des citoyens et de les intéresser à nouveau à la vie politique. En ce sens, Twitter, média mobile et personnel, amplificateur des passions du moment, a des vertus pédagogiques évidentes pour l'avenir de la démocratie.