Jamais depuis quinze ans, une intervention militaire de la France n'avait suscité autant d'approbation. A 75%, selon un sondage BVA réalisé auprès de 1 252 personnes du 14 au 15 janvier, les Français se déclarent favorables à cette opération de guerre au Mali. C'est beaucoup plus important que le Kosovo en 1999 (58%), l'Afghanistan en octobre 2001 (55%) ou même la Libye en mars 2011 (66%).
Le soutien a même gagné en puissance au fur et à mesure que les hommes politiques se sont prononcés en sa faveur: l'Ifop, qui recensait 63% d'acquiescement les 12 et 13 janvier, signalait que le taux atteignait 65% une semaine plus tard. A noter: les sympathisants de gauche sont 82% à soutenir l'intervention, contre 68% au moment de l'épisode libyen. Et les CSP+ 77%. Il s'agit en effet d'empêcher qu'un Etat souverain tombe entre les mains d'Aqmi et de mettre un coup d'arrêt à des djihadistes qui veulent appliquer la charia.
Et si une telle unanimité s'expliquait aussi par le simple fait qu'on ne voit rien de la guerre tant les reporters TV sont maintenus loin du front? Patricia Allémonière en a témoigné «en direct de Ségou», à 150 km des combats, le 17 janvier sur TF1: «Toutes ces informations nous sont données par les Maliens ou par l'armée française, mais nous ne pouvons pas les vérifier, nous ne pouvons pas aller sur place. C'est donc une guerre sans images.»
Pour Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontière, les journalistes sont contraints de ne pas s'approcher du front pour éviter d'être la cible des djihadistes. Or, estime-t-il, «c'est à eux, et non aux militaires, de déterminer les risques à prendre».
Selon Rémy Rieffel, professeur à l'Institut français de presse (Paris 2), «une guerre sans images permet d'éviter des images trop choquantes. Elle favorise les parties belligérantes car l'opinion en reste à la parole des experts ou du gouvernement. Mais c'est un a priori positif qui risque de ne pas durer. Pendant la guerre du Golfe, en 1991, on croyait voir en direct la guerre alors que les armées empêchaient les journalistes d'aller par eux-mêmes sur le terrain. Mais dans une société hypermédiatisée, où les gens sont saturés d'images, il est difficile de tenir cette posture pendant un long laps de temps. Et il peut y avoir un effet boomerang qui consiste à mettre les médias dans le même sac que les gouvernants.»
Déjà, des témoignages d'exactions à Sévaré arrivent sur les antennes et tendent à montrer qu'une épuration est en cours alors que la Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur les crimes de guerre au Mali.
«La France se prépare à une guerre longue», titrait Le Figaro le 22 janvier. Le président de la République y gagne ses galons de général en chef (lire ci-dessous). Il progresse aussi sur la compétence, le dynamisme et le fait de bien expliquer son action. Mais il y a fort à parier que son appel à «détruire» les terroristes sera apprécié diversement si des images crues viennent donner une réalité visible à ce mot.
Parole d'expert
«Beaucoup de positif pour Hollande»
Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion
«Bénéficiant d'un soutien quasi-unanime de la classe politique, l'intervention au Mali bénéficie d'un soutien massif de l'opinion. Pour François Hollande, qui avait un déficit dans ses traits de personnalité sur l'autorité, la décision et l'efficacité, elle apporte beaucoup de positif. Sa capacité à prendre des décisions est le critère aujourd'hui le mieux noté, avec 49% d'opinions favorables, contre 31% en septembre 2012. Elle joue encore plus en sa faveur que l'intervention en Libye pour Sarkozy, car l'indécision était perçue comme une vraie faille de sa personnalité, ce qui n'était pas le cas de son prédécesseur.»