Dans les métiers de la communication, comme d'autres secteurs (mode, joaillerie…), nombre de salariés exercent une activité de création, laquelle peut donner naissance à des droits de propriété intellectuelle, soit du seul fait de la création et sans formalité (droit d'auteur), soit avec formalité de dépôt (brevet, marque, modèle). Et souvent le créatif sera libre dans son activité. Aussi, du salarié ou de son employeur, qui sera titulaire des droits d'auteur sur les créations?

La question n'est pas théorique puisque la réponse détermine si l'entreprise pourra agir en contrefaçon, par exemple contre des concurrents… ou si le salarié sera fondé à réclamer des dommages et intérêts à son propre employeur (souvent après une rupture du contrat de travail conflictuelle).

Rappelons que contrairement à l'idée reçue, un contrat de travail ou de prestation de service ne vaut pas transfert des droits d'auteur. Ainsi, le salaire versé ne saurait être vu comme la contrepartie d'une cession de ceux-ci: cette somme rémunère le travail, uniquement.

En pratique, si l'entreprise ne prend pas la précaution de faire signer à son salarié des actes de cession de droits d'auteur, elle se met en risque.

La jurisprudence l'a illustré dans une affaire Van Cleef & Arpels ayant fait grand bruit. Un salarié de l'équipe de dessinateurs sollicitait une rémunération pour l'exploitation de ses créations (une cinquantaine de dessins de bijoux créés entre 2000 et 2005). Il était d'autant plus convaincu du bien-fondé de son action qu'il avait été embauché sans contrat de travail écrit et que Van Cleef & Arpels lui avait proposé en 2004 de signer un contrat de travail comportant en annexe portant «cession exclusive des droits d'auteur». Le salarié avait refusé de manière constante de signer ces documents.

La cour d'appel de Paris, le 14 septembre 2012, confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris. Si le salarié a bien réalisé des dessins de bijoux, ils ont été réalisés «dans le respect du style» Van Cleef & Arpels, «en appliquant les codes de la maison»; Van Cleef & Arpels a eu l'initiative de ces créations et a contrôlé le processus de création jusqu'au produit finalisé (le bijou) «en fournissant à l'équipe créatrice des directives et instructions»; d'autres personnes faisaient partie de la chaîne de création des modèles de bijoux; les bijoux ont été divulgués sous le nom de Van Cleef & Arpels. Les bijoux sont qualifiés «d'œuvres collectives», ce qui permet à Van Cleef & Arpels d'être «investie des droits d'auteur» et non son ancien salarié. Van Cleef & Arpels est donc sauvée par la notion d'œuvre collective car les trois conditions ont été jugées, ici, satisfaites. Il aurait suffi qu'une seule de ces conditions manque pour que l'action de l'ancien salarié fût jugée recevable…

En conclusion, plus le créatif sera libre dans son activité, plus le risque sera grand pour l'entreprise. Pour éviter l'aléa d'une procédure judiciaire, et même éviter de voir le salarié intenter une telle action judiciaire, il faut un écrit.

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