Vous n'en pouvez plus d'entendre le mot «engagement» mis à toutes les sauces dès que quelqu'un évoque le digital? Nous aussi, surtout qu'il y a au moins autant de formes d' «engagement» que de nuances de Gray. Cette confusion sémantique est symptomatique du mal dont souffre le marketing digital aujourd'hui: tout le monde en parle, beaucoup le pratiquent, mais peu s'en servent pour construire et développer les marques. C'est pourtant notre raison d'être. Résultat: entre scepticisme et frustration, beaucoup d'annonceurs s'avouent un peu perdus et sont tentés d'opérer un repli tactique sur les médias traditionnels. Si j'étais annonceur, voici les points qui feraient clignoter les voyants rouges de mon désarroi.
Mon agence digitale commence ses présentations stratégiques par des chiffres sur les réseaux sociaux.  Le premier jalon d'une stratégie digitale doit être "hors digital": une analyse honnête et originale de ma problématique business, qui doit se traduire par un objectif simple et précis, loin des notions abstraites telles que l'engagement. Pourtant, mon agence ne semble pas faire l'effort. Ils me gavent de chiffres. Par pure inertie ou par dogmatisme, les KPI (Key Performance Indicators ou indicateurs clés de performance) qu'ils me proposent sont les mêmes qu'ils vendent à toutes les autres marques. Et leurs slides sentent le réchauffé, alors que c'est justement le domaine où j'ai besoin de fraîcheur.
Mon agence digitale place la technologie avant ma marque. C'est le rôle de mes agences que d'aider ma marque à se révéler à elle-même, trouver son point de vue, sa valeur haute. Pourtant, quand je parle à mon agence spécialisée digitale, ils ont du mal à l'appréhender. Ils pensent en système, alors que je leur demande une histoire. Ironiquement, mon agence généraliste ne s'en sort pas beaucoup mieux. Ce sont eux qui ont construit ma plateforme de marque, mais j'ai l'impression qu'ils pensent le digital comme un terrain de jeu "à part", hors stratégie. Le temps d'un "coup" sur les médias sociaux, ils s'affranchissent des principes de construction de ma marque au profit d'une démonstration, plus ou moins spectaculaire, de leur esprit d'innovation. Ils oublient au passage que c'est en entretenant un feu de camp, pas en tirant un feu d'artifice, que l'on construit une marque dans la durée.
Mon agence digitale me propose toujours le même genre de solutions. Embrasser la culture digitale, ce n'est plus se comporter en ayatollah du tout digital. Je veux des partenaires matures, qui soient "media-neutral", c'est-à-dire qu'ils ne favorisent pas un média plus que l'autre a priori. Après tout, la vraie intégration d'une agence ne se mesure pas à la quantité d'éléments activés à chaque campagne, mais à sa capacité à activer les bons éléments au bon moment. Ca veut dire être à l'aise dans tous les domaines. Pourtant, il me semble que mon agence essaie surtout de me vendre ce qu'ils savent faire en interne. Leur production intégrée est parfois un avantage intéressant, mais elle n'est pas la meilleure sur tous les sujets. Ils trainent les pieds quand je leur demande de collaborer avec des spécialistes: ils se sentent mis en danger. Je finis par n'y voir qu'un manque cruel d'agilité.
Mon agence digitale ne me surprend plus créativement. Je voudrais pouvoir compter sur des talents créatifs qui travaillent plus vite et plus en souplesse. Je voudrais qu'ils soient ingénieux, c'est-à-dire créatifs sous contrainte. Qu'ils me montrent ce qu'ils savent faire avec des investissements réduits. Qu'ils m'impressionnent par leur connaissance des qualités intrinsèques des technologies et médias émergents, dont ils comprendraient l'"élasticité créative", c'est-à-dire la façon dont on peut les utiliser, les tordre ou les détourner de manière originale. Je veux des créatifs qui soient stratégiques (ou travaillent main dans la main avec des stratèges), qui appréhendent la marque dans toutes ses dimensions pour pouvoir l'activer avec justesse dans des contextes différents. Mais les commerciaux me présentent rarement les créatifs, et la plupart des idées d'activation que l'on essaie de me vendre sont impossibles à réaliser avec mes contraintes de temps et d'argent. On n'a pas tous le budget stratosphérique de Red Bull.
Tout ça, c'est de la fiction, bien sûr: je ne suis pas annonceur. Mais quand il s'agit de développer une agence digitale intégrée, ce n'est pas forcément une mauvaise idée de se mettre à la place des clients, et d'en tirer toutes les conclusions, dont la plus urgente: retrouver notre raison d'être en remettant, par-delà l'innovation, la stratégie de marque au cœur du digital.

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