L'examen du traité budgétaire européen a démarré à l'Assemblée nationale mardi 2 octobre 2012. Le texte devrait être ratifié avant la fin du mois. Par ce traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), les États de la zone euro signataires s'engagent à respecter la règle d'or budgétaire limitant à 0,5% du PIB le déficit structurel sous peine de sanction.
Malgré l'hostilité du Front de gauche et apparentés et des écologistes, la ratification de ce texte signé par Nicolas Sarkozy, et désormais soutenu par François Hollande, est acquise. Les voix de gauche favorables au traité devraient dépasser le seuil de la majorité absolue des suffrages exprimés.
Sur le papier donc, l'affaire sera «pliée» sans souci. En réalité, les manifestations du dimanche 30 septembre, à l'appel notamment des communistes et de Jean-Luc Mélenchon, accentuent la fracture. «La question européenne ravive les tensions de manière si forte et si durable qu'il ne sera plus possible de parler de la gauche mais des gauches, affirme le politologue Gérard Grunberg dans Le Monde du 2 octobre. Le clivage gauche-droite sera éclipsé par celui de l'Europe.»
Ambivalence des Français sur l'Europe
Dans ce contexte, François Hollande n'a pas pris le risque de revivre le référendum de 2005 sur la constitution européenne quand, patron du PS et militant du «oui», il avait vu la cohésion du parti et ses espoirs présidentiels s'envoler avec la victoire du «non». Le sondage BVA pour Le Parisien paru le 1er octobre le conforte dans son choix. «Sur la question européenne, l'ambivalence des Français est permanente», souligne Gaël Sliman, directeur général adjoint de l'institut d'études.
En effet, si une large majorité (64% des suffrages exprimés) serait prête à voter «oui» à un référendum sur le traité budgétaire européen, 45% pourraient encore changer d'avis. Et si l'on retient l'abstention et le vote blanc ou nul (à 17%), le «oui» ne recueillerait plus que 53% des électeurs.
De même, si les Français se déclarent très largement favorables (72%) à l'instauration de la règle d'or budgétaire, ils sont près d'un sur deux (46%) à approuver les critiques sur son caractère antidémocratique «car elle limiterait les marges de manoeuvre des gouvernements démocratiquement élus».
Le sondage BVA confirme que «l'Europe divise la France entre partis de gouvernement et partis anti-système, poursuit Gael Sliman, le TSCG étant plus problématique pour la gauche que pour la droite.» Dans le détail, les sympathisants du PS (à 65%), de l'UMP (84%) et du Modem (90%) se retrouvent pour «voter» «oui» au traité. A l'inverse, les «nonistes» sont très majoritaires parmi les sympathisants du FN (64%) et des partis d'extrême gauche (85%). Et ils sont tout de même 35% chez les sympathisants du PS!
Enfin, le cas des écologistes est tout à fait instructif : 63% des sympathisants écologistes approuveraient le traité européen rejeté par le parti Europe Ecologie-les Verts (EELV). «Après le choix d'Eva Joly plutôt que celui de Nicolas Hulot (largement préféré par les sympathisants) comme candidat du parti à la présidentielle, EELV nous apporte une nouvelle fois la preuve que la base militante et dirigeante suit des orientations idéologiques en totale rupture avec les attentes de la base électorale», note Gaël Sliman.
Verbatim
«Le spectre du référendum de 2005»
Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA
«Les Français sont dans une logique de bon père de famille quand ils soutiennent à 72% la règle d'or budgétaire. Pour autant, 46% considèrent cette règle anti-démocratique et 45% n'ont pas arrêté leur choix sur le traité budgétaire européen. Cette ambivalence de l'opinion plaidait en faveur d'un référendum réclamé par les communistes et le Front de gauche. Mais plus cyniquement ces résultats encouragent le gouvernement à ne pas y recourir: parce qu'il pourrait le perdre alors même que les trois quarts de l'opinion se déclarent favorables à la règle d'or. Attention à ne pas ranimer le spectre du référendum de 2005.»