Jamais ne s'était autant posé le problème des bonnes pratiques en matière de mise en compétition d'agences par les annonceurs, car jamais la pression économique sur les agences et leurs clients n'a été aussi anxiogène... et les frustrations des deux parties en présence aussi exacerbées!
Mais au-delà de l'interrogation sur une mise en concurrence plus équilibrée des agences, ne se cache-t-il pas en fait un enjeu bien plus conséquent: la valeur des marques et des agences?
La mise en compétition des agences par (seulement) certains annonceurs a pris un tour de plus en plus "sauvage" sur un marché en crise: nombre inexplicable d'agences consultées, reconduite de l'agence sortante à un niveau de rémunération inférieur, relance ou annulation sans explication d'une nouvelle compétition, agences invitées «surprise» en phase finale, règles de décision opaques ou décideurs mal identifiés, absence de rémunération ou dédommagement ridicule, procédures coûteuses de pré-compétition pour «homologation», pouvoir discrétionnaire voire abusif des services achat (cf. les enchères inversées), briefs indigents, abandon de droits sur créations non retenues, exploitation non rémunérée de propositions stratégiques d'agences non retenues, débauchage de collaborateurs en agence, dépôt de garantie, audit comptable intrusif de l'agence, etc.
Quant à écouter les annonceurs, leurs frustrations ne sont pas moins vivaces à l'égard de certaines agences: rotation accélérée des équipes, changement d'interlocuteurs après la compétition, baisse de niveau des interlocuteurs, opacité des honoraires réclamés, lobbying invasif pour s'introduire dans une compétition, manque de disponibilité, qualité décroissante du suivi relationnel, écoute défaillante, briefs incompris ou non enrichis, faible connaissance économique du secteur d'activité de l'annonceur, absence d'outils d'optimisation budgétaire, etc.
Encadrer la mise en compétition
Le choix est entre privilégier le plus bas dénominateur commun: comment payer le moins cher possible une prestation agence à une partie voulant la vendre le plus cher possible, ou au contraire déterminer le plus haut dénominateur commun : comment construire et partager le plus de valeur possible pour les marques et pour les agences. Voici 10 règles vers un "new deal" dans la gouvernance des mises en compétition d'agences.
1) Construction d'une méthodologie commune "labellisée" de mise en compétition, d'un format de briefing, d'un modèle de dédommagement et d'une charte déontologique;
2) Mise sur pieds d'une commission consultative de médiation interprofessionnelle, composée de représentants des différentes associations professionnelles concernées traitant des contentieux;
3) Protection systématique de la propriété juridique des recommandations conceptuelles et créatives;
4) Acceptation par les annonceurs de prendre en charge la totalité des honoraires des conseils en choix d'agences;
5) Indemnisation valorisant l'analyse du problème posé, la recommandation stratégique et la solution créative: forfait fixe complété par un variable en fonction du degré de finalisation demandé;
6) Rémunération de l'agence conjuguant honoraires au temps passé, royalties, success fee sur résultats et bonus sur la survaleur immatérielle ajoutée au patrimoine immatériel de la marque;
7) Mise en place d'un observatoire des compétitions conçu en commun et faisant l'objet d'un rapport annuel publié;
8) Compensation facturée pour le recrutement par l'annonceur d'un collaborateur agence ;
9) Réciprocité de livraison des informations financières;
10) Test des créations proposées: procédure participative et contradictoire sur le choix de l'objectif, de la méthode et de l'opérateur de l'étude.
Mais encore faudrait-il que l'interprofession accepte l'idée, pour le bien commun d'une dépendance mutuelle, de partager un minimum de règles de concertation et surtout que les membres de ces associations veuillent bien ne pas y déroger, sans y voir une atteinte à leur indépendance et à la libre concurrence. Ce qui est une autre histoire ... sans fin? On peut aussi finalement vouloir remettre à plus tard un tel chantier, au motif de ne pas s'encombrer de procédures bureaucratiques... mais alors, à quoi bon se plaindre?