A la lecture d'un certain nombre de sujets sur le brand content, qui fait recette depuis quelques années, me prend l'envie d'exprimer un point de vue. Rien de fondamentalement dissident. L'idée n'étant pas de prétendre aller à contre-courant et de tout remettre en question mais de replacer le sujet dans son contexte. En effet, dans «brand content», il y a le terme «content», que l'on a, apparemment, tendance à omettre...
Le contenu, c'est le nerf de la guerre. Et sa pertinence, dans un certain nombre de cas, fait vraisemblablement défaut. Du contenu, oui, mais pas tout et n'importe quoi, comme semblent vouloir le dire certains professionnels du secteur. A les entendre et/ou à les lire, l'on pourrait croire que ledit «content» peut être ce que l'on veut, tant que l'on raconte une belle histoire et qu'elle s'inscrit dans celle de la marque. A cela s'ajoute l'importance de la qualité, de la légitimité de la marque sur son territoire, etc.
J'ai cependant le sentiment que l'on est à nouveau dans un long monologue de marque, un discours nombriliste, autocentré sur celle-ci. Est-ce parce que ces professionnels souhaitent séduire des annonceurs qu'ils s'expriment sur ce sujet et qu'ils flattent à ce point les marques?
De l'importance d'être humble
Ce qui est assez surprenant, c'est que l'on ne fait guère mention des personnes à destination desquelles le contenu en question est produit. On devine parfois les prémisses d'une question qui devrait être la première: qu'est-ce que cela apporte, et à qui cela sert? Je constate ainsi, non sans une certaine déception, que nombreux sont ceux qui s'en targuent mais qu'ils sont tout autant à oublier d'en aborder les tenants et aboutissants; que cela permet aux marques de se donner une contenance (voire à masquer une inconsistance, pour certaines) et à certains directeurs marketing, de se gargariser d'avoir mis au point «une opération qui "a du sens"». Mais rares sont ceux qui se demandent: pour qui est-ce intéressant? Et pour qui cela a-t-il du sens?
A moins d'éditer un service spécifique, une information ou un traitement d'information exclusif (ce dont il n'est pas ou peu question), cela n'intéresse personne. La réalité est qu'il n'y a pas de public pour cela. Qui, parmi les publics cibles de ce contenu de marque, se dit «vivement la semaine prochaine que le community manager de X publie sur Facebook la dernière recette des produits "bidule" filmée en direct, le dernier making of du défilé "machin", ou les photos du patron "truc" à son dernier salon»?
Si vraiment les producteurs de contenu de marque pensent que c'est le cas, pensent qu'il y a des gens qui réagissent de la sorte, alors ils se leurrent fortement. Cette attitude de la part des professionnels est à peu près aussi inepte que celle adoptée vis-à-vis de la pub à l'ancienne, où l'on se disait que parce qu'elle émanait de telle ou telle marque, tout le monde allait s'y intéresser et la trouver géniale.
Les annonceurs ne sont pas en définitive plus humbles qu'avant, quoi qu'on en dise. Un grand nombre d'entre eux ne se demandent pas davantage comment interagir et ne parlent que d'éditer du contenu... Les marques souhaitent-elles donc se substituer aux éditeurs? Par ailleurs, les agences qui participent à cela devraient se méfier du jour où des comptes (ROI) sur le sujet leur seront demandés.
Nous-mêmes avons récemment été confrontés à ce dilemme. Travaillant pour une marque qui a envie de s'exprimer sur un certain nombre de sujets, qu'elle considère comme partie inhérente de son capital de marque, nous avons dû lui poser les questions suivantes: Que voulez-vous apporter à vos utilisateurs/fans/clients? Pourquoi va-t-on leur parler de cela? De votre histoire, de votre culture? Au nom de quoi va-t-on leur raconter tout cela? Qui cela intéresse-t-il?
Ces questions paraissent sans doute un peu frontales lorsque l'on est une agence et que l'on s'adresse à son client annonceur... mais c'est à ce prix, et à ce prix seulement, que l'on produira de la pertinence, et que l'on nouera un contact solide avec son public.
D'autant plus sur les réseaux sociaux, où l'on touche à la sphère privée des cibles. Si l'on souhaite créer un échange, gagner la confiance, il est impératif de rester humble... L'une des clés de la relation est l'écoute. Et ce n'est pas en prenant la parole de manière empirique que l'on témoigne sa compréhension à une audience. D'autant plus lorsque cette audience-là n'existe plus en tant que telle.
En effet, l'audience n'est pas figée et n'attend pas qu'on lui envoie des messages. En revanche, elle aussi attend du ROI; elle s'investit dans la relation (elle accorde notamment son attention) pour peu qu'on lui rende un service, qu'on l'intéresse, qu'on lui propose quelque chose qui lui serve.
Je suis étonnée que pour une pratique aussi ancienne (point sur lequel tous les experts sont a priori d'accord), le brand content ait finalement aussi peu évolué depuis ses origines...