Pour 65% des Français, les couples homosexuels doivent pouvoir se marier.

«Le mariage pour tous répond à une exigence d'égalité.» Dans une interview publiée par le quotidien catholique La Croix le 11 septembre, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a donné le coup d'envoi de la réforme du mariage et l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels. «Nous sommes bien conscients de toutes les dimensions philosophiques et anthropologiques entourant le mariage. Mais nous estimons qu'elles ne peuvent venir percuter l'exigence d'égalité», justifie la ministre.
Promise par François Hollande durant la campagne présidentielle et annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour le premier semestre, la légalisation du mariage homosexuel est soutenue par une majorité de Français. Selon un sondage Ifop pour La Lettre de l'opinion publié le mois dernier, 65% des personnes interrogées estiment que les couples homosexuels, qu'ils soient hommes ou femmes, devraient avoir le droit de se marier en France. En mai 1995, ils n'étaient que 51% à le souhaiter.

 

Une grille de lecture surtout générationnelle

«Il y a eu une vraie évolution de l'opinion publique après le vote du Pacs en octobre 1999», estime Damien Philippot, directeur de clientèle au département opinion de l'Ifop. En juin 1996, ils étaient 48% à être favorables au mariage homosexuel, une proportion qui monte à 56% en juin 2000.

Pour autant, l'opinion des Français est loin d'être homogène sur la question. «La principale grille de lecture est générationnelle», précise Damien Philippot. Car si 79% des moins de 35 ans se disent favorables à l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, ce taux descend à 69% chez les 35-49 ans, à 62% chez les 50-64 ans et même à 44% chez les 65 ans et plus.

En termes de catégories socioprofessionnelles, les détracteurs sont à chercher du côté des retraités (52% y sont opposés), des artisans-commerçants (43%) et des ouvriers (31%). Autre ligne de clivage, la proximité politique. En effet, 82% des personnes ayant voté pour François Hollande au premier tour de l'élection présidentielle sont favorables au mariage gay, 80% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 64% de ceux de François Bayrou.

A contrario, 56% de ceux qui ont voté pour Nicolas Sarkozy s'y opposent et 43% des électeurs de Marine Le Pen. «L'électorat de Marine Le Pen est moins uniforme que celui de Nicolas Sarkozy, avec notamment beaucoup de jeunes et de personnes issues des catégories populaires», explique Damien Philippot.

«Ce qui est surprenant, c'est le pourcentage pour les catholiques pratiquants: ils sont 45% à être favorables au mariage homosexuel. C'est beaucoup, et nettement en décalage par rapport aux positions de l'église catholique», note, pour sa part, Gilles Wullus, directeur de la rédaction du magazine gay Têtu.

Autre élément important du débat, la question de l'adoption, que le gouvernement veut également ouvrir aux personnes de même sexe. Selon le même sondage Ifop, seuls 53% des Français s'y disent favorables: 59% des femmes et seulement 47% des hommes. «Le mariage homosexuel est beaucoup moins clivant que la question de l'adoption», souligne Damien Philippot. Un point pourtant essentiel dans le débat qui s'ouvre aujourd'hui sur le mariage homosexuel.


Parole d'expert

 

«Un piège politique pour la droite»

 

Damien Philippot, directeur de clientèle au département opinion de l'Ifop

 

Cela fait quelques années que l'opinion est plutôt favorable à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels. Depuis 2004, nous sommes dans les mêmes eaux, avec entre 62 et 64% de Français favorables. Le mariage gay permet à la gauche de faire une réforme conforme aux attentes de son électorat. La droite va avoir du mal à tenir un discours très virulent sur la question. Celle-ci peut même se transformer en piège politique.»

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