Dans notre monde de l'immédiateté, de la virtualité, de l'ubiquité, je voudrais, au moment de son retrait définitif, faire l'éloge funèbre du Minitel et lui rendre hommage comme il lui revient. Ancêtre, il l'est, de la télématique, subtil mariage de l'informatique et des télécommunications. Et d'internet qui en est l'enfant légitime, brillant, prometteur.
Désuet, il l'est aussi, puisque né fin des années 1970. Et cette période lointaine, n'est-elle pas aujourd'hui «vintage»? Donc d'une désuétude à respecter et à observer avec attention, pour en méditer et en retirer les substantifiques leçons.
Dévoyé, il l'a été, mais pour la bonne cause, au final. Les 3615 rose ont initié le modèle économique sans lequel aucun fournisseur d'information ne pourrait survivre. Limité, il est resté, contraint par une technologie elle-même bridée et par une norme insuffisamment mondialisée.
Mais quel succès! Ne crachons pas dans sa soupe. Implanté dans un foyer français sur deux, il a accompagné les premiers pas de toute une génération vers l'informatique à domicile. Il a initié à la VPC électronique, à la banque à domicile, à la presse digitale, à la messagerie interpersonnelle et à bien d'autres domaines qui font aujourd'hui le succès du Web.
C'est lui qui a permis les réflexions indispensables quant à l'ergonomie des sites, les règles de circulation entre les services, la modération, les règles déontologiques. Un champ expérimental exceptionnel pour l'avènement d'Internet.
Enfin, c'est lui qui a préparé nos cerveaux et nos consciences à l'ère digitale en ouvrant une formidable fenêtre, dès les années 80, sur un monde où l'information, la conversation et l'échange allaient devenir sans frontières et sans limites.
Alors, au moment de lui tirer la révérence, ayons pour le Minitel une pensée affectueuse et reconnaissante. Sans lui, nous, communicants, ne serions pas là où nous sommes aujourd'hui.