Quelques semaines après une entrée en Bourse chaotique, Facebook continue d'inquiéter experts, journalistes et investisseurs. Son modèle publicitaire, jadis promis à un grand avenir grâce à une puissance et des possibilités de ciblage inouïes, est aujourd'hui remis en cause. La publicité sur le réseau social serait en effet perçue comme moins efficace, comme en témoigne la récente décision de General Motors d'y couper ses investissements. Autres sources de questionnement: des taux de pénétration qui atteindraient un plafond dans de nombreux pays et un risque de saturation de l'information due à l'explosion du nombre de contacts, pages et applications. Le réseau de Mark Zuckerberg, qui devrait réaliser 5 milliards de dollars de chiffre d'affaires cette année, pourrait très vite voir sa croissance s'effriter. Mais ne jouons pas les Cassandre. A nos yeux, Facebook possède encore d'importantes ressources pour se réinventer.

La start-up dispose notamment en son sein d'une «data team», petite cellule d'une douzaine de personnes analysant les statistiques des utilisateurs pour en faire ressortir de grands enseignements, telles que la variation du «bonheur national brut» au travers des différents statuts ou les chansons les plus écoutées après une rupture. Des informations aujourd'hui anecdotiques mais qui laissent entrevoir un immense potentiel de compréhension du consommateur. Car pour Facebook, il n'est de richesses que de «data», et cette équipe de statisticiens et de sociologues - dont l'effectif devrait bientôt doubler - est le noyau autour duquel se construira demain son véritable modèle économique.

En effet, pourquoi se contenter de vendre des espaces publicitaires, même calibrés, lorsque l'on possède une telle base de données et que l'on pourrait conseiller les entreprises et services publics dans leurs stratégies au global? Pourquoi cibler, a posteriori, le message sans toucher à l'offre, quand on peut analyser, a priori, les besoins et aspirations du public afin de lui proposer des produits ou des services réellement adaptés?

Appréhender les individus dans toutes leurs dimensions est une ambition portée par de nombreuses études qui, malgré leur souci de représentativité, n'auront jamais l'exhaustivité et la fraîcheur de données recueillies en permanence auprès des membres d'un réseau social.

Avec 25 millions de Français y passant en moyenne près de 22 minutes par jour et plus de 900 millions d'utilisateurs au global, Facebook apparaît comme le plus important panel du monde. Et un panel qui n'est pas que quantitatif. Parce qu'il est un outil de conversation avant tout, le réseau présente aussi d'immenses opportunités de recherches qualitatives: focus groups (groupes de discussion) fermés, interviews individuelles, serious games (jeux sérieux)... autant d'outils que les agences devraient aider à mettre en place dans une approche gagnant-gagnant.

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que «data is the new oil» («les données sont le nouveau pétrole»). Certes, les données sont précieuses et Facebook en dispose en quantité. Mais cette formule doit surtout nous rappeler que, comme le pétrole, les «data» ne servent pas à grand-chose si l'on se contente de les extraire sans les raffiner. Si l'on file la métaphore, le réseau de Mark Zuckerberg est aujourd'hui une pétromonarchie avec des milliards de litres d'or noir dans son sol mais une seule, minuscule raffinerie artisanale à sa surface. Dès que ses dirigeants sauront comment tirer parti de leurs gigantesques réserves dans le respect de la vie privée, ils bouleverseront leur modèle économique, passant d'un simple support publicitaire à une incroyable machine à sonder les consommateurs, les citoyens, la société.

Aux agences et annonceurs de se positionner le plus rapidement possible pour profiter de cette manne qui, pour faire écho à notre devise, devrait se révéler un puissant carburant pour les stratégies.

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