«La gauche royale.» Au lendemain de la victoire du Parti socialiste aux législatives, le titre de Libération du 18 juin évoquait à sa façon cette dernière et la défaite de Ségolène Royal, battue à La Rochelle par Olivier Falorni, socialiste dissident soutenu par la droite locale. Une affaire au cœur d'une tempête politique et médiatique soulevée quelques jours plus tôt par la compagne du président de la République, Valérie Trierweiler, avec son tweet d'encouragement à l'adversaire de Ségolène Royal, alors même que François Hollande avait apporté son soutien officiel à son ex-compagne.
Publié le mardi 12 juin, les politiques s'emparent aussitôt du tweet. «Vaudeville à l'Elysée», raille Eric Ciotti (UMP). Au PS embarrassé, peu s'expriment. Claude Bartolone parle de «faute». Le lendemain, la presse, en France et ailleurs, insiste sur le «premier couac de la présidence normale». Le déminage est confié à Matignon. Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, rappelle «le rôle discret qui doit être le sien [celui de Valérie Trierweiler]…, chacun doit être à sa place», parle de «perturbation», de «péripétie», réaffirmant que le chef de l'Etat est toujours «sur la même ligne de ne pas mélanger vie publique et vie privée».
Il a raison de le réaffirmer, car c'est exactement ce mélange des genres qui a été ressenti par les Français. Interrogés par Harris Interactive pour le magazine Gala, 76% des Français considèrent que «Valérie Trierweiler a mêlé vie privée et vie publique», 69% qu'«elle a eu tort de prendre position publiquement» (81% à gauche, 57% à droite) et 45% qu'elle «occupe une place trop importante dans la vie politique».
«Les contraintes de la fonction»
Reste à estimer les conséquences pour le président de la République. Pour Régis Lefebvre (agence Blue), ex-UDF, «ce tweet est une grave erreur de communication et peut faire des dégâts à long terme, car il instruit le procès en faiblesse du président et laisse penser que sa compagne a trop d'influence. Il reste toujours une trace quand vous êtes abimé en communication.» D'autant que Les Guignols de l'info les caricaturent déjà en ce sens.
Pour Stéphane Rozès (cabinet CAP), «ce tweet ne met pas à mal la présidence normale, qui s'entend comme sobre, mais étant contradictoire avec la position du président, il détourne et affaiblit la symbolique présidentielle, qui s'impose à tout président au-dessus de sa personne». «Le président ou sa compagne devront s'exprimer à un moment pour rappeler les contraintes de la fonction – réserve de la compagne qui n'a pas de statut–, au risque que cet incident revienne dans l'inconscient du pays comme ayant été le moment d'affaiblissement non corrigé de la fonction présidentielle», estime-t-il.
Jean-Christophe Alquier (agence Ella Factory) considère, lui, que «si le tweet de Valérie Trierweiller est bien un “contre-signe” absolu au retour du politique et du collectif mis en avant pendant la campagne, à l'éthique de responsabilité du candidat Hollande et à la frugalité en communication du nouveau gouvernement, en rupture avec le mandat de Nicolas Sarkozy, il ne sera pas préjudiciable à François Hollande, car celui-ci en est l'objet, pas le sujet».
En revanche, Jean-Christophe Alquier déplore dans cette crise d'image «la tyrannie de l'intimité, de l'individu et de l'émotion, qui sont autant de symptômes de crise de la démocratie dont les fondements sont collectifs et rationnels». Mais aussi «l'incroyable ambivalence des médias qui regrettent cette irruption du privée dans le public, tance la maladresse, souligne son caractère anecdotique et, en même temps, construisent une “story people”, contents d'avoir trouvé une excellente “cliente”».