Pour 75% d'entre eux, le bio est un argument marketing mensonger.

Qui sont les anti-écolos? Sont-ils totalement hermétiques à la cause environnementale? Après les super-écolos (Stratégies n°1678 du 10 mai) et les écolos-modérés (n°1680 du 24 mai), Havas Média et Mondadori Publicité ont mené l'enquête sur cette famille dans le cadre d'une vaste étude sur les Français et l'écologie en partenariat avec Stratégies. Ses résultats seront soumis, fin juin, à une dizaine d'experts appelés à dégager des pistes de communication permettant de redynamiser l'écologie, un sujet en perte de vitesse.

En attendant, qu'on ne vienne pas parler de développement durable aux anti-écolos, le groupe de loin le plus masculin (65% sont des hommes). Pour eux, c'est «un luxe de pays riches, un nouvel eldorado financier» quand l'écologie est «une idéologie» portée avant tout par «des partis politiques, des ONG et des militants»,«une mode» ou encore «un moyen de faire culpabiliser les gens».

Pas d'attrait particulier non plus pour le bio. Pour 75% d'entre eux, ce n'est qu'un simple argument marketing, un mensonge. La consommation responsable, qualifiée de «tendance marketing du moment» par 83% des sondés, n'est pas mieux lotie. Certes, ils sont prêts à consommer local et de saison et à n'acheter que du «made in France», mais pas pour des raisons écologiques. Ce qui les motive: soutenir l'économie et l'emploi. Quant à l'écologiste militant, ils le dépeignent comme un bobo, un idéaliste, un moraliste, un opportuniste, un baba-cool, pire, un ringard.

Rien ne semble pour autant perdu. «Ils ont une réaction de rejet avant tout parce qu'ils se sentent agressés. Il y a donc une marge de manœuvre», affirme Alice Audouin, responsable du développement durable d'Havas Média. Autre signe encourageant: les anti-écolos ne représentent que 7% des sondés issus du panel du groupe de presse, contre 32% pour les super-écolos et 61% pour les écolo-modérés.

S'ils se sentent agressés, c'est par le discours dominant des médias qui accordent, selon eux, une place trop importante à l'écologie. Quand ils en parlent, l'information est jugée soit idéologique (83%) soit orientée par les intérêts des grandes entreprises (74%). Pour une très grande majorité (91%), elle ne leur inspire pas confiance.

Pas étonnant donc qu'ils agissent peu ou pas, l'écologie n'influençant pas leur quotidien (79% des sondés). Mais leur inaction s'explique surtout par un manque de conviction sur le bien fondé de l'action écologique. Ils ne voient pas en effet pourquoi ils devraient faire des efforts si les leaders ne donnent pas l'exemple. D'autant que les acteurs les mieux placés pour agir en la matière sont, selon eux, l'Etat, les entreprises et les collectivités locales, contrairement aux deux autres groupes qui placent le citoyen au coeur du changement.

Dommage car dans le fond, ils sont en effet partants pour se faire plus verts: 75% déclarent envisageable d'agir de manière plus écologique dans certains domaines. Et, dans les faits, 69% affirment trier «tout le temps ou souvent» leurs déchets. A partir du moment où un système a été mis en place avec des poubelles jaunes ou vertes, ils l'appliquent. «Lorsque l'impulsion vient justement "d'en haut", ils suivent. Ce qui prouve bien que les politiques publiques, ça marche», commente Anne Philip, directrice marketing de Mondadori publicité.

 

Parole d'expert

 

Alice Audouin, responsable développement durable d'Havas Média.

 

«Evitons de leur parler d'écologie»


«Les anti-écolos incarnent l'effet de saturation et la perte de crédibilité du discours écologique, suite aux dégâts des effets d'annonces pour sauver la planète. Ils sont finalement tout autant anti-greenwashing que les écolos les plus engagés. Comment, dans cette impasse, faire repartir l'écologie? En évitant de parler frontalement du sujet ou en le faisant seulement sur la base de preuves tangibles et d'actions déjà réalisées et mesurées. Certaines marques appliquent déjà ce principe de communication responsable, comme Veja, dont la majorité des clients découvre seulement après l'achat de leurs baskets l'engagement de l'entreprise.»

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