Nous avons connu Alain à Publicis où nous travaillions l'un et l'autre. Nous avions déjà été frappés par son intelligence, son esprit curieux et surtout la fulgurance de ses synthèses. C'est pourquoi lorsque nous avons créé notre agence, le 1er juillet 1966, dès que nous avons pu financer un salaire, nous lui avons demandé de nous rejoindre et nous l'avons associé à notre aventure. L'agence est donc devenue FCO (Feldman, Calleux, Ossard), car nous souhaitions, à l'instar des «Mad Men» new-yorkais, exalter les personnalités que proposait l'enseigne. Notre première grande victoire fut l'acquisition du budget Vittel et la contribution d'Alain y a été déterminante. Stratégies titrait «Vittel c'est FCO».
C'est à ce moment que notre agence est devenue très désirable et Alain a bénéficié d'une notoriété méritée. Repéré par MBB [Marcel Bleustein-Blanchet], au flair infaillible et à la séduction légendaire, Alain nous a quitté brutalement pour rejoindre Publicis… Nous avons ressenti son départ comme un tragique abandon, mais tout en regrettant notre «O», nous sommes devenus FCA. «A» pour accueillir de nouveaux talents associés...
Nous n'avons pas oublié Alain. Ses nouvelles aventures nous étaient vite contées, et en particulier la création de l'agence Adam Ossard Goudard (oui, le Goudard de Sarkozy), qui devait fusionner plus tard avec Roux Séguéla Cayzac: pour la deuxième fois, Alain donnait son nom à une enseigne. Saluons au passage ce fait d'armes! Puis l'amitié a triomphé de la déception. Nous l'avons suivi de près quand, plus tard, il a quitté la publicité pour aborder un nouveau métier bien plus savoureux: la confection de foie gras à la tête de l'entreprise familiale à Eymet [Dordogne]. Entretemps FCA continuait son chemin, devenait un groupe international et ponctuait l'événement d'un fameux point d'exclamation!
L'une de nos filiales, l'agence Marianne, était en recherche d'un spécialiste de ce qui ne s'appelait pas encore le planning stratégique, mais dont nous attendions une capacité de vision prospective. Alain nous y rejoint quelques mois mais, une fois de plus, il décida de nous quitter. Peut-être s'agit-il d'un raccourci approximatif, mais nous pensons que sa rencontre avec le dalaï lama avait suscité chez lui une vocation de prophète de la communication. Malgré les distances géographiques ou professionnelles, malgré les silences qui s'étaient créés entre nous, nous savions qu'Alain souffrait de «longues maladies», mais qu'il les combattait avec force et courage.
Et cette fois-ci, Alain nous quitte pour de bon sans espoir de retour inopiné où il nous prendrait une nouvelle fois à contre-pied, où il nous exposerait à son charme visionnaire. C'est un peu le tour des anges d'échanger avec lui.