Comment occuper l'espace de manière radicale et divertissante? Jusqu'à présent, on faisait surtout de la publicité. On briefait un créatif pour faire un show commercial de marque, élégant, stylisé ou décalé. Aujourd'hui, le contenu principal du tableau n'est pas représenté, si j'ose dire, dans la partie publicitaire. La publicité devient moins visible ou la visibilité est ailleurs. Récemment, en tombant sur le livre «Les tyrannies de la visibilité» de Nicole Aubert et Claudine Haroche, j'ai eu une révélation théorique... «Un terme revient de façon récurrente dans le débat public, écrivent-elles, la visibilité. Pas une réunion en entreprise où l'on ne se préoccupe de rendre visible l'action menée, la façon de capter l'attention. Le registre de l'image suppose celui de la performance.»
En tant que patron d'une agence de RP, forcément, ça interpelle! Fait nouveau donc, nous sommes tous, et pas seulement la publicité, soumis à un impératif de visibilité intense et continue. La visibilité devient une valeur fondamentale que je mesure tous les jours. Selon Nicole Aubert et Claudine Haroche, «L'individu est jugé au travers de la quantité de signes, de textes, d'images qu'il produit. Il y a une extension du soi extérieur.» Pour les marques, c'est la même histoire. Pas de RP, c'est être voué à l'invisibilité, autrement dit à l'inexistence, à une face sociale inerte. En l'occurrence, une agence de RP aujourd'hui doit «pousser» une campagne de publicité au travers d'une mécanique sur Facebook, prévoir la «viralité» du film publicitaire auprès des blogueurs, s'assurer de sa reprise et des «tweets»...
La visibilité, c'est l'e-réputation. Et ce qui est montré doit avoir une vertu un peu hypnotique, l'objectif étant de fixer l'attention, d'impressionner. Oui, les RP appartiennent aujourd'hui à un ensemble beaucoup plus vaste, à une stratégie de la fascination, au-delà d'un film publicitaire de 30 secondes. Il y a un principe d'aimantation active, une mise en scène «idéalisante» que nous devons penser, élaborer dans les moindres détails, grâce à une séduction visuelle, des images soigneusement préparées.
Nicole Aubert et Claudine Haroche évoquent dans leur livre le concept «d'extimité»: «Montrer certains aspects de soi-même pour les faire valider par les autres.» C'est ce que nous faisons quotidiennement avec nos clients. Parfois, un simple changement de perspective peut transformer l'échec en succès. Comme la marque Kanabeach qui vient de réaliser des t-shirts «Je suis en redressement judiciaire!» portés par de charmantes jeunes filles... Eh oui, la quête de visibilité dans l'espace social a ses règles, tout doit pouvoir se montrer et les agences de RP doivent devenir des «performeurs»: performer en humour, en inattendu, en idée... et surtout en création!