On a l’air malin. Les États Généraux de la communication ont choisi d’ouvrir leurs travaux, le 27 novembre, par le sujet le plus controversé, celui du rapport qu’entretient la communication avec la consommation (et pour nombre de nos parties prenantes celui de la surconsommation). Les professionnels ont eu le courage de pointer la question en préambule des débats (qui restent à nourrir). On ne peut pas se défendre, de tribunes en interviews, sur l’utilité de la publicité pour la croissance, la reprise, l’emploi et regarder ailleurs quand on parle de consommation. Le sujet est sur la table.
Inutile de se boucher le nez. Cela a été dit : consommer n’est pas un gros mot. Disons-le, ici, c’est même l’obsession de la majorité des Français qui s’inquiètent, certains au quotidien, de leur pouvoir d’achat, de leur « reste à vivre » pour consommer ce qui est essentiel à leur survie et au développement de leurs projets.
Et patatras ! nous voilà avec le « Black Friday » dans les pattes. On a à peine planché sur la théorie que la pratique nous rattrape. Cette foire commerciale est installée dans l’agenda des marques et des marketeurs qui, désormais, comptent dessus pour dynamiser les chiffres avant l’autre kermesse, celle de Noël.
Certains défendent l’opportunité pour les plus précaires de s’équiper ou de se nourrir à moindre coût. D’autres s’étranglent de cette grande messe du consumérisme mondial qui va, pendant dix jours, se répandre en publicités promotionnelles, toutes plus pétaradantes pour faire croire à un grand rendez-vous de fêtes et de plaisirs ...
Cela fait pourtant plusieurs années que quelques marques (bien rares) ont fait le choix de résister à ce barnum. Le « Green Friday » lancé en 2017 par le réseau Envie pour dénoncer l’impact d’une consommation compulsive et promouvoir les valeurs du recyclage et de la seconde main tente de contrer la vague annuelle.
Fausses promos
L'Internaute a publié, le 5 novembre, un sondage (Yougov) sur la perception des Français. Selon cette enquête, 60% des Français considèrent que le Black Friday est une source de gaspillage et près d'un sur deux répond que les marques « devraient boycotter l'événement » (47%). Pourtant, malgré le report demandé par le gouvernement, cette année de confinement devrait voir exploser les scores de l’opération dont bénéficieront au premier chef les plateformes comme Amazon. Toujours selon cette enquête, si 71% des sondés se disent « favorables » à l'initiative du Green Friday, seuls 23% soutiendront le mouvement en ne participant pas au Black Friday.
Tout est là. Le paradoxe entre l’assentiment et le passage à l’acte pose aux marques et aux distributeurs une sacré question de conscience et de positionnement. Renoncer à la grande braderie n’est-il pas un risque pour l’entreprise ? Peut-on, doit-on, laisser nos concurrents bénéficier à plein et se priver de la part du gâteau ?
Oui mais.
Mais l’association UFC-Que Choisir dénonce, cette année encore, les nombreuses « arnaques et fausses promos » du Black Friday : « En l’absence de cadre légal sur les réductions de prix, les professionnels augmentent leurs prix quelques semaines avant l’opération, afin de claironner des promotions sur ce prix plus élevé. C’est un tour de passe-passe invisible pour les consommateurs qui permet de leur vendre les mêmes produits, aux mêmes prix tout en leur faisant croire à une bonne affaire ».
L’association frappe fort et a mis en demeure Boulanger, Fnac, Rue du Commerce, Darty, Cdiscount, Rakuten de cesser leur campagne publicitaire sur l’opération. C’est en fait un gros coup de pression sur le gouvernement pour que soient mieux encadrées des pratiques tarifaires qu’elle juge trompeuses et hors de tout contrôle.
Alors on fait quoi ? on dit quoi ? on regarde (encore) ailleurs ? On s’en lave les mains ? Le jour où les citoyens consommateurs découvriront qu’ils ont été abusés, il y a fort à parier qu’ils nous le feront savoir. La question est toujours sur la table. Et nos positions toujours bien floues, non ?