Chronique

On aurait pu croire un moment qu’elle avait été rangée au rayon des accessoires à Bercy, remisée au fond d’un long couloir, emmitouflée dans une marinière, prête à faire le beau jour d’un vide-grenier. Ne m’appelez plus jamais marque France ! 

Mais la Covid-19 est passée par là et semble donner une nouvelle jeunesse au concept. La re-génération – celles et ceux qui vont avoir la charge de re-voir les choses, de les re-penser, pour mieux les faire re-naître – place désormais la marque France au cœur de la quête de sens du consommateur, en tête des enjeux prioritaires, devant la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs (1).

Voilà une magnifique opportunité à saisir à condition que l’on traite le sujet avec la rigueur qu’il impose. 

Premier constat. La France est en retard. Elle, qui est dotée d’un des plus forts actifs immatériels au monde, parvient mal à transformer son soft power en avantage compétitif. Pourquoi ? Par autocensure d’abord. Nous nous méfions de nous-mêmes, comme si l’image d’arrogance (nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts) et de légèreté que nos concurrents s’évertuent à entretenir nous paralysait. Par désorganisation ensuite. Issus de 500 tribus gauloises, nous avons une fâcheuse tendance à préférer le brillant du solo à la discipline de l’orchestre alors que les stratégies de marques pays les plus performantes sont toutes coordonnées par des États qui montrent l’exemple et fédèrent l’ensemble des acteurs. Par discontinuité enfin. Le thème de l’attractivité est apparu lors de la crise financière en 2008. Il s’agissait (déjà) de « reprendre notre destin en main » et de « lever les tabous et les freins à la compétitivité française ». Les stratégies de marques pays doivent s’inscrire dans le long terme et dépasser les clivages. 

« Made in » et « marque Pays », ce n’est pas bonnet blanc et blanc bonnet

Le « Made in » est un concept défensif. Empêcheur de mondialiser en rond, il est souvent invoqué pour défendre les emplois et fustiger la désindustrialisation. Créé il y a dix ans, le label Origine France garantie a confirmé notre réputation de pays des labels. Il y en aurait plus de 400 au total. Cela nous rassure, mais s’avère d’un usage complexe pour les produits à valeur ajoutée intégrant des composants à provenances multiples.

La Covid-19 a élargi la portée du Made in en le faisant entrer dans la santé, avec la dépendance révélée à l’égard de la Chine pour les médicaments et équipements de santé ; dans l’agroalimentaire, avec l’écart de prix dénoncé entre fruits « Origine France » et fruits importés ; dans la formation, avec la préoccupation légitime des enseignants quant à la protection des cours diffusés sur des plateformes étrangères. 

La marque pays est un concept offensif. Apanage du luxe quand la France inventait le soft power au 18ème siècle à Versailles, il s’est développé aux États-Unis qui l’ont modélisé et enseigné à partir des années 20 : « How we advertised America » (titre d'un livre de George Creel). Mais ce sont aujourd’hui les pays d’Asie (Corée, la Chine, Inde, Japon…) qui savent le mieux jouer de leurs marques pays pour en faire un avantage compétitif dans l’économie d’archipels qui se dessine. 

La relance aura besoin de tous les leviers. Le moment est venu de doter la marque France d’une programmation, d’une architecture, d’un récit, d’une gouvernance et d’un plan d’action partagé par toutes les forces vives du pays. Les Français plébiscitent depuis dix ans la création d’une telle marque.

Éric Cantona, dans Bon entendeur, nous invite à redevenir « révolutionnaire » et « combattant ». Se battre pour la marque France aujourd’hui, c’est relever le défi de l’attractivité en défendant notre imaginaire propre : Audace, Culture, Créativité, Savoir-Faire… le génie français est inépuisable. Il ne demande plus qu’à voler ! 

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