Avec l’avènement du digital, la démultiplication des formats a permis aux marques d’explorer de nouveaux types d’humour, plus expérientiels, plus holistiques. Aujourd’hui, le fun marketing est partout et certaines marques comme Oasis, Innocent ou Michel et Augustin se sont entièrement construites sur la pop culture et l’humour, du packaging à la publicité. Si la proximité avec le consommateur est devenue le Graal, l’humour semble ne plus avoir de limites. Même les marques de luxe, longtemps hostiles, l’ont compris : Chanel fait confiance à Camille Cottin, alias la « Connasse », et les mannequins Lanvin dansent bizarrement sur du Pitbull.
Dès lors, on pourrait croire la porte de l’humour grande ouverte mais loin s’en faut. Avec l’agora sociale, la terrible bien-pensance refait surface et les sujets politiques ou sensibles ne vont pas sans controverse. Alors que la fameuse campagne « Be Stupid » de Diesel a été censurée au Royaume-Uni, les exemples de fails retentissants sont nombreux : nos yeux se tournent discrètement vers LCL, Gifi, ou Cuisinella. Alors, comment faire le tri ? Peut-on rire de tout ? Et, surtout, comment éviter le bad buzz ?
L’équation à résoudre est difficile. Les marques doivent trouver leur « sweet spot », le point de rencontre entre leur zone de légitimité, les référents culturels appréciés par leur cible et le canal de diffusion utilisé. Ce dernier joue un rôle important, surtout pour des questions de forme. Les réseaux sociaux ouvrent peut-être plus de latitudes humoristiques et permettent d’utiliser pleinement leurs fonctionnalités (par exemple, Biocoop et ses tweets écoresponsables). Les campagnes print exigent concision et clarté alors que les films se prêtent très bien au jeu du storytelling (par exemple, Sopalin).
Cependant, ce qui est primordial, c’est d’avoir une vision précise de l’ADN de sa marque, et donc de sa zone de légitimité. Le secteur n’est pas un critère, nombreuses sont les marques qui réussissent le pari de l’humour dans des univers qui ne s’y prêtent pas a priori. L’enjeu est davantage le type d’humour qui doit être en cohérence avec les valeurs de la marque, son historique et les attentes de sa cible. « Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui », disait Sacha Guitry. L’important est de déterminer sa cible principale, la plus large possible, et d’accepter une certaine indifférence des autres. L’idéal est de parvenir à saupoudrer le bon type d’humour de quelques références pop culture, comme Sodastream qui détourne Game of Thrones ou Norwegian Airways qui plaisante sur le divorce de Brad Pitt.
Humour glocal
La recette d’une publicité humoristique réussie est donc complexe et réside dans la justesse d’analyse de la marque, de ses cibles et de ses référents culturels. Encore faut-il se mettre d’accord sur ce qui fonde nos références culturelles. L’identité nationale est-elle encore un facteur dans le façonnement de nos références communes ? Ce qui nous amène à la question ultime : peut-il y avoir une campagne mondialement drôle ? L’humour s’embarrasse-t-il des frontières ? Si la réponse est simple en fiction – les comédies à échelle mondiale sont légion –, elle devient plus compliquée pour une publicité. Difficile de s’accorder sur une campagne mondialement drôle. On ne parle pas de quelques gloussements de publicitaires aguerris mais bien d’une campagne humoristique déployée massivement.
Spotify apporte peut-être un début de réponse dans « Thanks 2016 : It’s Been Weird », avec une stratégie « glocal » : une campagne internationale basée sur le même mécanisme humoristique mais adaptée à chaque pays grâce à la data. Le concept est global et le référent culturel local. La data comme source d’humour glocalisé : drôle, non ?
Les marques et l’humour, c’est une longue histoire, pas toujours probante. À l’heure des réseaux sociaux et de leurs réactions exacerbées, peut-on encore rire de tout ? Oui, mais encore faut-il savoir s’y prendre.