Au départ, Instagram est un réseau social qui incite ses utilisateurs à laisser libre court, voire à révéler leur créativité, et à partager leur contenu à tous ou à une sphère privée. Mais le symbole coeur qui apparaît sous un post, signifiant à l’utilisateur et à son réseau l’engouement pour sa photo ou sa vidéo (et lui procurant beaucoup de plaisir), est devenu une source de pression sociale. En effet, les likes affichés sous les posts divisent les utilisateurs en deux catégories : ceux qui en génèrent, et les autres. Les plus pudiques n’osent plus poster par peur de ne pas être likés quand des influenceurs n’ont pour certains plus besoin de faire un effort d’originalité pour en susciter des milliers.
Et malgré ce côté obscur du like, l’annonce de leur suppression par Instagram émeut ses utilisateurs, et fait couler beaucoup d’encre. Une confusion s’est installée autour de cette annonce, déjà parce qu’il ne s’agit pas de supprimer l’action de liker mais l’affichage du symbole, du nombre de likes. Ensuite, parce les utilisateurs, les influenceurs et les marques ne savent pas quels sont les changements que cela implique.
Le concept plus fort que le contexte
Le 17 juillet dernier, Instagram, réseau au milliard d'utilisateurs actifs par mois dans le monde, dont 17 millions en France, annonçait vouloir étendre à six pays la disparition des likes. Depuis novembre, une phase de test est réalisée dans certaines régions des Etats-Unis jusque dans l’Hexagone, impactant une partie des utilisateurs. Ceux-là n’auront plus accès à ce sacro-saint symbole de l’engouement général visible sous chaque publication des comptes auxquels ils sont abonnés.
Mais Instagram ne travaille pas à la suppression des likes : le réseau social cherche un moyen de les masquer. Concrètement, vous saurez qui a aimé votre contenu, quel engouement il a suscité, mais les autres ne le verront pas. Vous pourrez ainsi vous concentrer sur ce qui compte : prendre du plaisir à partager les contenus dont vous êtes fiers.
Ainsi, Instagram veut revenir à l’essentiel. Il a conscience que le like a plongé ses utilisateurs dans une course qui freine l’élan créatif de ses utilisateurs, voire qui retient toute activité sur le réseau. En outre, Instagram n’a pas vocation à devenir un média où il y aurait d’un côté les contributeurs actifs, de l’autre, les visiteurs passifs. L’essence même du réseau est de permettre à tous ses utilisateurs - du contributeur occasionnel à l'influenceur - de partager des contenus de qualité, de sublimer leurs photos, et de prendre du plaisir à les partager en les émancipant d'une certaine pression sociale.
Une opportunité
Au Canada, l’étude réalisée par la plateforme #paid confirme un ralentissement de 50% de la croissance des followers depuis le masquage des likes, tandis que, selon l’outil Hype Auditor, le nombre de likes serait en baisse de 3% à 15% dans les pays où les tests sont en cours. S’ils ne réjouissent pas tout le monde, ces résultats montrent que cette mesure permettrait de renouer une relation plus saine avec le réseau. De la même façon que vous rentrerez plus facilement dans un restaurant bondé que dans un restaurant vide, vous likerez plus spontanément un contenu déjà aimé que l’inverse. Sans voir le like, vous aurez l’occasion d’explorer des contenus et de les juger pour ce qu’ils sont : bons ou mauvais, comme vous jugeriez un restaurant après avoir passé la porte. Les influenceurs, au même titre que tous les autres utilisateurs, ont là l’occasion de redoubler d’originalité voire de débrider leur style, puisqu’ils sont désormais émancipés d’une sorte d’évaluation qui peut parfois leur faire ressentir de la pression.
La nouvelle exigence que devront s’imposer les influenceurs pour créer l’adhésion de leur communauté permettra aux annonceurs de mieux travailler avec ces créateurs de contenus. Mais qu’ils se rassurent : grâce aux technologies dédiées, ils continueront de pouvoir évaluer leur campagne d’influence. En effet, les acteurs technologiques resteront en mesure d’identifier et de remonter la data pertinente sur l’audience des influenceurs comme sur la performance des actions. Et la suppression de l’affichage des likes n'entraînera pas celle des commentaires. C'est là l’occasion de mesurer l’engagement d’un point de vue plus qualitatif que quantitatif.
Dopés aux likes, les influenceurs et les marques se sont réveillées avec la gueule de bois. Alors pour éviter la crise de manque, il va falloir déplacer les questionnements et passer du comment accumuler un max de likes à comment fidéliser, impliquer et créer une véritable communauté autour d’un vrai projet créatif. C'est une opportunité à saisir pour les utilisateurs autant que pour les marques.