Après des années d’auto-régulation plus ou moins chaotique, le secteur de l’influence marketing prend ses responsabilités et se constitue en fédération professionnelle, avec le lancement ce mercredi 18 janvier de l’UMICC, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu.
«Malgré la concurrence qui existe entre nous, nous avons décidé de nous réunir et de mettre en commun tous nos efforts pour une influence vertueuse», relate Carine Fernandez, fondatrice et directrice de l’agence Point d’Orgue et présidente par intérim de la fédération professionnelle de l’UMICC (Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu), qui vient tout juste de voir le jour. Les autres membres du bureau intérimaire sont également des personnalités bien connues du secteur : Galo Diallo, fondateur de l’agence Smile Conseil, est vice-président ; Stéphane Bouillet, fondateur et pdg d’Influence4You, est secrétaire général ; et Rubben Chiche, co-fondateur de Follow, est trésorier. La naissance de cette instance professionnelle est un événement charnière pour le marché de l’influence marketing en France. Elle fait suite à la consultation gouvernementale qui s’est tenue au ministère de l’économie le 9 décembre dernier en présence de sept agences françaises : Follow, Smile Conseil, Point d’Orgue, Bump., Influence4You, Reech et Spoutnik, qui deviennent membres fondateurs.
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Ces derniers mois, l’influence marketing est sous le feu des projecteurs… Pas toujours pour de bonnes raisons. Différentes affaires et polémiques sont venues entacher la profession d’influenceurs et tous les métiers de l’écosystème. A l’instar de l’ouverture d’une enquête judiciaire pour «pratiques commerciales trompeuses» à l’encontre de l’agence Shauna Events de Magali Berdah, suite à une plainte du rappeur Booba… Pour le grand public et les médias, ce secteur encore méconnu est largement remis en question : surconsommation, opacité, rémunération hors sol, concurrence déloyale, exil fiscal, arnaques... Les amalgames et les confusions sont nombreux. «Nous sommes tous conscients de l’impact que ce secteur peut avoir, il est créateur d’emploi, de tendances, il est en proximité avec les jeunes générations… Il était plus que grand temps de voir émerger une entité professionnelle qui édicte les standards de la profession», étaye Carine Fernandez.
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Ainsi, dès fin décembre, les statuts de l’UMICC ont été déposés et une première réunion d’information s’est tenue le 10 janvier 2023 en présence de plus de 50 agences, pas uniquement spécialisées purement dans l'influence, mais également des agences de pub classique, de relations presse, etc. L’UMICC est déclarée au Journal officiel le jour même sous forme d’association de loi 1901. «Les ambitions de l’UMICC sont à la fois de rassembler dans une seule organisation les différents métiers du secteur de l’influence, de le représenter auprès des médias, de mettre en place un canal unique de discussion avec les pouvoirs publics, de proposer les évolutions et réformes nécessaires afin qu’il bénéficie d’un environnement adapté à son développement et de mettre en œuvre les actions et les outils pour promouvoir le développement d’une influence responsable», développe la présidente. Les sept agences à l'initiative rassemblent à elles seules plus d’une centaine de créateurs de contenu qui comptent entre 100 000 et 10 millions d’abonnés sur Youtube, Instagram, Tiktok ou encore Snapchat. Elles travaillent également avec 100 000 micro-créateurs de contenu. Certaines d'entre elles accompagnent par ailleurs de nombreuses marques nationales et internationales dans leur stratégie d’influence. Elles touchent plus de 45 millions de personnes et comptabilisent 40 milliards de vues uniques par mois.
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L’un des chantiers prioritaires consiste en la mise en place d’une charte assortie d’un «label créateurs», en partenariat avec l’ARPP. «Il sera donc obligatoire d’acquérir le certificat de l’influenceur responsable et de signer la charte de l’UMICC pour obtenir le label. Il sera possible de destituer un membre qui ne respecte pas ou plus les règles», précise Carine Fernandez. A l’avenir, la fédération compte organiser des réunions de discussions pour consulter les membres ainsi que des événements thématiques et pédagogiques… Pour l’heure, l’UMICC est en pleine phase de recrutement (ouverture d’un formulaire de demande sur le site UMICC.fr). Chaque adhésion doit être prononcée par le conseil exécutif et soumise à la ratification lors de la prochaine assemblée générale. Une trentaine de structures professionnelles et une centaine de créateurs de contenu ont d’ores et déjà demandé à rejoindre l'association. Les élections du bureau se dérouleront d'ici juin prochain via une assemblée générale constitutive. «Pendant des années, nous avons su nous auto-réguler en l’absence de véritable cadre, mais en s’appuyant sur ce qui existe dans la loi. Aujourd’hui, nous officialisons certaines démarches, nous allons valoriser les initiatives vertueuses et travailler ensemble à ce que l’UMICC soit le point d’entrée unique de toutes les règles et préconisations de la filière, mais également de toutes les informations et ressources du secteur», entrevoit la présidente.
1. Définir juridiquement ce qu’est un «créateur de contenu».
2. Clarifier l’inscription des créateurs de contenu dans la nomenclature d’activité française.
3. Créer une charte simple et accessible ainsi qu’un site internet d’information à destination de tous les créateurs de contenu qui rappelle les droits, obligations et bonnes pratiques qui leur incombent.
4. Créer un label créateur UMICC qui donne accès à une reconnaissance institutionnelle auprès des pouvoirs publics et des marques, une structure d’accompagnement dans les étapes de la vie professionnelle, le passage du certificat de l’influence responsable de l’ARPP, l’accès à des services tels qu’une mutuelle négociée, des formations dédiées, des conseils juridiques…
5. Garantir le respect des règles de la publicité de l’ARPP et rendre indispensable pour les marques rémunérant des créateurs de contenu de travailler dès 2024 avec ceux ayant obtenu le label créateurs.
6. Garantir la transparence du consommateur en indiquant de manière simple, claire, unique et sans équivoque toute prise de parole rémunérée ou avec contrepartie en indiquant la marque concernée en plus de la simple mention de partenariat.
7. Garantir l'uniformisation technique par les plateformes du signalement des partenariats rémunérés et garantir également que les partenariats sponsorisés ne soient pas défavorisés par les algorithmes de ces dernières.
8. Obliger la signature d’un contrat pour chaque prestation entre le créateur de contenu (ou son agent représentant) et l’agence représentant la marque (ou la marque en directe).
9. Interdire les envois de produits par les marques et leurs agences aux créateurs de contenu qui n’ont pas explicitement accepté de les recevoir via demande ad-hoc préalable.
10. Former et outiller les créateurs de contenu et agences aux bonnes pratiques et les sensibiliser à leur rôle pour contribuer à l’autorégulation du secteur.