Tribune
En cette rentrée 2019, l’Institut de la qualité de l’expression révèle les grandes tendances de son 4e baromètre de la qualité du langage digital. Une dizaine de critères ont été retenus pour scanner la sémantique digitale de 60 marques. Florilège des tendances clés et des marques primées.

La démonstration et les preuves deviennent indispensables pour les marques qui savent qu’à l’heure du digital, le mot authenticité a doublé le mot émotion. Ainsi, Suez fait preuve de fiabilité, explique son métier «d’expert mondial de l’eau et des déchets» et sait nous dire que l’eau est un matériau rare. Cette volonté se traduit notamment par des chiffres : «La quantité d’eau nécessaire à la production d’un steak de bœuf de 300 grammes est de 650 litres d’eau, soit l’équivalent de 30 baignoires environ». Le groupe a créé un site internet Portesouvertes.suez.fr, où il est possible de s’inscrire pour visiter ses sites de production d’eau. Oui, même dans les secteurs B2B, les entreprises souhaitent être comprises et aider les consommateurs. Raison d’être oblige.

Comme acte de preuves de son authenticité, Nuxe met en avant ses 45 brevets ainsi que des certifications Ecocert et Cosmebio, qui labellisent les produits et les soins bio mis au point par la marque.

Dans la plupart des écosystèmes digitaux des marques, pour exprimer clarté et transparence, le contenu pédagogique prend de l’importance. Le ludique et l’humour sont moins à la une. Même quand la banque CIC utilise des visuels amusants pour s’exprimer sur les réseaux sociaux, le désir d’informer le consommateur est toujours dominant. En effet, CIC oriente ses internautes vers des contenus qui renseignent et explicitent grâce à des questions que chacun peut, un jour, se poser : «pourquoi assurer vos crédits ?», «que faire en cas de phishing ?», «comment choisir la durée de mon crédit pour financer l’achat de mon logement ?».

La surpromesse n’est plus

Autre tendance : oubliée la «surpromesse» et totalement abandonnée le «sous-service». Désormais, il faut aussi «accompagner», «aider» et procurer au client une impression de «facilité» avec un «service hyper-personnalisé».

L’assureur Luko, grand gagnant de ce 4e baromètre, fait simple pour ses clients : «pour que votre déclaration ne soit plus un parcours du combattant». Dès sa première page web, Luko invite l’utilisateur à entrer son adresse pour obtenir le prix de son assurance. Cette «néoassurance» est dans la conversation : «Assuré en 2 minutes», «Remboursé en 2 heures». Elle répond bien, dans l’immédiat, à l’un des critères du baromètre de l’Institut de la qualité de l’expression : «l’efficacité du service rendu à l’internaute». Et mieux, elle parle de rapidité, un mot efficace que pourtant l’on n’entend plus et que simplicité et agilité doublent toujours au poteau.

Enfin, «l’authenticité» pousse aussi les entreprises à mettre en avant les métiers qui les animent. NGE met ses collaborateurs en action et insiste sur l’humain et la bienveillance. «Rassurez-vous, vous ne serez pas illico lâché(e) dans la nature ! Vous serez entouré(e) de professionnels bienveillants qui vous permettront d’avancer avec confiance. Prêt(e) pour l’aventure NGE ?», indique le groupe de BTP à ses futures recrues. Quand le secteur de la banque privilégie sa «marque employeur», dans un domaine qui a besoin de recruter, le groupe de BTP fait parler ses collaborateurs qui mentionnent peu le «bénéfice client», mais ils utilisent un ton qui insiste sur le travail d’équipe : «les réalisations dont nous sommes très fiers». Botanicals sait aussi mettre en avant la coopération entre botanistes, chimistes et ingénieurs, preuve de sa fiabilité. Attention, pour toutes ces marques, parfois, un excès de pédagogie estompe la chaleur de la relation.

Jargon banni et création de nouveaux mots

Enfin, il faut être dans la légitimité plus que dans l’autorité. Voilà pourquoi Luko se pare d’une langue lisible et d’un objectif clair : «Luko vous protège à votre domicile et en dehors». Et surtout, dans tous les univers, le jargon se dissipe. Le nouveau langage choisi par les marques colle à l’époque digitalisée. Il est fluide, concis, vif. Wilov offre une «assurance auto à l’usage en fonction du nombre de jours où vous roulez», parle de son «badge connecté» et des «petits rouleurs».

La prise de conscience des enjeux écologiques instille aussi un lexique de la RSE et influe fortement sur les prises de parole des marques. La maison Gucci signale qu’elle est engagée : «good corporate citizen, engaged and responsible» dans le sillage du Fashion Pact, cette initiative lancée par le président du groupe Kering, François Henri Pinault, juste avant le récent G7 de Biarritz. Attention, cependant, à ne pas abuser de ce langage écolo-compatible. L’écosystème digital de la styliste anglaise Stella McCartney chante le développement durable à chaque ligne : «Eco-friendly, sustainable, organic, recycled, circular, positive». Mais, à force, on pourrait finir par oublier que la créatrice vend aussi ses lignes de prêt-à-porter. Elle évoque beaucoup les matières sources mais face à tant de conscience sociale, où sont contés les talents des métiers et des mains ?

Si l’entreprise commence de posséder une ligne éditoriale, l’enjeu est maintenant de réussir à maintenir un ton harmonieux dans tous les échanges avec les internautes sur les réseaux sociaux. En effet, la cohérence est un sésame précieux mais elle doit être portée avec pertinence. D’ailleurs, l’arrivée du vocal et du tone of voice (ou tonalité de marque) l’exige et y contribue déjà.

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