En prenant la forme de compétitions multi-joueurs (surtout entre des joueurs professionnels, individuellement ou en équipe), l’esport est à la frontière entre le sport et les jeux vidéo en réseau. Avec plus de 100 millions de joueurs chaque mois, des revenus de 25 000 euros par mois pour certains d’entre eux, une plateforme de diffusion achetée pour un milliard par Amazon et des ouvertures d’écoles spécialisées, l’esport grandit à une vitesse phénoménale et est passé en première division.
Comment tout a commencé ? Dennis « Tresh » Fong était là, à cet instant précis où internet a envahi des milliers de maisons, et a commencé à rapprocher les joueurs (même si à ce moment, ce n’était que virtuellement). C’était en 1997, il gagnait The Red Annihilation, aujourd’hui reconnue comme la première véritable compétition d’esport. Sponsorisé par Microsoft, cet évènement réunissait plus de 1 900 joueurs en ligne dans le monde entier. Le prix décerné au gagnant ? La Ferrari de John Carmack, le développeur du jeu.
Vingt-et-un ans plus tard, 200 millions de personnes dans le monde regardaient simultanément la finale de League of Legends, qui avait lieu en Corée, berceau historique de l’esport. Considérée comme la plus importante compétition d'esport dans le monde, la prochaine édition aura lieu en novembre prochain dans notre capitale française : Paris. Alors que l’Asie de l’Est est la région la plus développée dans ce domaine, l’Europe rattrape nettement son retard, le marché du esport en EMEA représentant désormais plus de 28 milliards de dollars en 2018.
Le paysage du sport traditionnel changé
Le phénomène esport est tel qu’il va jusqu’à changer le paysage du sport traditionnel. Le PSG a ainsi recruté plusieurs des meilleurs joueurs professionnels dans le monde pour constituer trois équipes (FIFA, Rocket League, et Dota 2) et gagner les tournois internationaux, avec des joueurs portant les mêmes maillots que MBappé ou Neymar. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, la NBA a choisi d’investir des sommes titanesques dans l'esport depuis deux ans sur tous les fronts possibles. Le grand débat fait actuellement rage pour savoir si l’esport devrait ou non faire partie des prochains Jeux olympiques, ce qui devrait arriver tôt ou tard.
Le public du esport ne cesse de s’accroître dans tous les coins du monde, ce ne sont pas des geeks mais plutôt des jeunes. Selon SuperData Research, les millennials sont la génération qui regarde le plus d’esport, ils sont seulement 10% en Europe à avoir plus de 45 ans. Et l’industrie du jeu vidéo appartient presque entièrement aux jeunes générations. Les spectateurs sont majoritairement masculins (84% contre 16% de femmes en Europe), mais la Suède, la France ou la Grande-Bretagne sont les marchés aux publics les plus féminins (24%, 22% et 19% respectivement).
Bien que les femmes soient de plus en plus nombreuses parmi les joueurs, elles sont largement sous-représentées au sein des joueurs professionnels et semi-professionnels. Néanmoins, la diversité hommes-femmes a complètement sa place dans l’esport : contrairement au sport traditionnel, les différences physiologiques entre hommes et femmes n’ont aucun impact sur l’activité. Il n’y a donc rien qui les empêche de jouer ensemble, dans des équipes mixtes.
Professionnalisation du milieu
Une grande majorité des joueurs reste des amateurs qui voient toujours leur console et leur ordinateur comme un loisir. Mais certains de ces amateurs deviennent rapidement des joueurs professionnels, et gagnent leur vie grâce à cette activité. Et ça peut rapporter gros, certains gagnent jusqu’à plus de 2 millions de dollars sur une année. Ces professionnels participent alors aux grands tournois internationaux, s’entraînent chaque jour de la même manière qu’un sportif de haut niveau, et sont sollicités par de nombreux partenariats. Les streamers sont une autre catégorie de joueurs qui ont aussi réussi à faire du esport leur gagne-pain, mais différemment : en se filmant en train de jouer et en diffusant leurs vidéos.
Preuve de la professionnalisation de ce milieu, des écoles d’esport ouvrent en France en cette rentrée 2019. L’idée est de développer des écoles entièrement dédiées au monde du gaming et du sport, pas seulement pour les joueurs mais plutôt pour tous les passionnés qui cherchent à apprendre comment travailler dans l’écosystème du esport.
Par définition, les évènements sont les principaux leviers du esport pour les joueurs et le public, que ce soit des évènements locaux ou internationaux, ou même des salons comme la Paris Games Week. L’atmosphère est comparable à un concert de rock : près de 5 000 personnes se lèvent tous en même temps et applaudissent, pendant que les lumières éblouissent la scène. Mais en plus de ces milliers de personnes sur place, ces compétitions sont diffusées en streaming dans le monde entier, attirant alors des millions d’autres spectateurs.
Les médias et les marques
La vidéo reste le média le plus puissant pour l'esport, c’est pourquoi Twitch (une plateforme de vidéo rachetée par Amazon pour 970 millions de dollars en 2014) est devenue si populaire. Aujourd’hui, Twitch domine le live-streaming du esport, YouTube étant son principal concurrent. Un nouveau champ de bataille pour Amazon et Google, il n’était qu’une question de temps avant que Facebook se joigne à la fête. Facebook Gaming a alors été créé pour rattraper et rester pertinent auprès d’une audience plus jeune. Et mieux vaut tard que jamais, les médias traditionnels essayent aussi d’obtenir une part du gâteau. Avec une audience de plus en plus grande, les chaînes TV commencent à diffuser du esport, les titres de presse spécialisée dans le sport créent des rubriques dédiées, et les influenceurs esport deviennent de plus en plus célèbres. Ce sont autant d’opportunités que les marques peuvent exploiter.
Les principaux revenus du esport sont la publicité et les partenariats, représentant 59% des profits. Alors qu’il est facile de comprendre l’intérêt de marques endémiques aux jeux vidéo et au secteur informatique comme par exemple Intel, Asus, Alienware ou encore Micromania, des marques moins attendues, comme EDF ou Volvic, s’immiscent dans le monde du esport en sponsorisant des équipes. Et à l’échelle mondiale, de plus en plus de marques rentrent dans ce jeu telles que Coca-Cola ou plus récemment Disneyland Paris.
Que ce soit au travers du sponsoring, de la publicité, des placements de produits ou des collaborations avec divers joueurs sur le terrain du esport (éditeurs, ligues, équipes, organisateurs d'événements, plateformes de streaming ou influenceurs), l’opportunité est là. Il ne reste plus aux marques qu’à la saisir, surtout pour parler aux tant convoités millennials.